Collectif des associations citoyennes : un nouveau réseau résistant

Publié le par Michel Sorin

Il existe une conception néolibérale des associations

Le 7 mai 2013, j’avais rendu compte de la situation des associations fragilisées par la diminution des financements publics. Un Collectif des Associations Citoyennes a été créé, à l’initiative de Didier Minot (voir Didier Minot : un exposé pour comprendre d'où vient la crise financière - 28 février 2012).

Les petites et moyennes associations sont incitées par les grandes à accepter le déclin des financements publics et à rechercher des partenariats pour s’en sortir, ce qui implique des méthodes de gestion de type néolibéral, telles que les pratiquent les grandes. Elles ne sont pas conscientes, spontanément, que leurs raisons d’agir sont remises en cause en même temps que les financements. C’est à ce niveau que le collectif des associations citoyennes joue un rôle, en contribuant à des prises de conscience.

Didier Minot est intervenu au nom du Collectif des associations citoyennes, en tant qu’Invité de la semaine de l’Humanité 25 au 29 nov 2013 (rubrique « Tribunes et Idées », avant-dernière page, l’invité de la semaine). Voir tribune semaine humanité nov13

Lundi - 40 000 emplois associatifs en danger : parlons-en !

À Toulouse, la compagnie de l'îlot Z n'a plus de bureau fixe, ni d'emplois permanents. Les foyers ruraux de Côte d'Or sont en difficulté avec les suppressions et les retards récurrents de subventions. Dans la Marne, le Secours Populaire voit l'aide du conseil général divisée par deux. On pourrait multiplier les exemples. Les associations citoyennes, qui travaillent pour l'intérêt général et le bien commun, sont partout en difficulté, et certaines disparaissent.

Ces difficultés ne tombent pas du ciel. Elles sont le résultat d'une politique délibérée, européenne et nationale, de réduction des associations à des rôles de prestataires. On aurait pu croire que cette politique, qui s'est aggravée avec la circulaire Fillon il y a 3 ans, allait être remise en cause par le gouvernement actuel. Malgré une volonté de dialogue qui succède au mépris, cette politique s'est au contraire aggravée avec le plan de rigueur.

Avec la diminution de la dotation que leur verse l'État, les collectivités sont, aujourd'hui, obligées de se recentrer sur leurs compétences obligatoires, comme vient de le dire le congrès des maires. Au total, c'est un gigantesque plan social qui se prépare pour 2014, avec des perspectives de suppressions d'emplois de 30 000 à 40 000 postes, ce qui est considérable. Une telle hécatombe ferait la une des médias si elle était concentrée. Ce n'est pas parce qu'elle est diffuse qu'elle est moins grave. Car au-delà des statistiques, ce sont des souffrances, des vies humaines brisées, des territoires qui meurent.

C'est pourquoi un collectif des associations citoyennes s'est constitué pour faire connaître cette situation, en dénoncer le caractère inacceptable et agir ensemble. Aujourd'hui le mouvement prend de l'ampleur, mais il reste beaucoup à faire pour que l'ensemble des associations et des élus soient conscients des enjeux. Nous espérons que les débats des prochains mois y contribueront.

Mardi - La portée des actions associatives

Notre collectif est en contact avec plusieurs centaines d'actions associatives porteuses de sens. Intermèdes Robinson, à Longjumeau, réinvestit les espaces délaissés de la ville pour créer des activités de convivialité, sociales et éducatives, d’échanges, d’écoute et de dialogue, de jardins partagés. Autisme et musique propose une méthode d'apprentissage du piano pour des jeunes autistes, sans choisir les élèves. « Ensemble Pour Elancourt » agit depuis 12 ans pour susciter l'initiative citoyenne des habitants dans la ville, etc. On pourrait multiplier les exemples. Dans chaque village, chaque quartier, des citoyens, des habitants, prennent des initiatives pour maintenir le lien social, offrir à chacun de nouvelles potentialités ou amorcer une transition écologique. D'autres font vivre la démocratie en jouant un rôle d'alerte, de défense ou de contrôle, ou font un travail essentiel d'éducation populaire. Ces actions multiformes sont essentielles à toute vie en société. Elles redonnent un sens fort à la devise républicaine.

Ce rôle, qui s’est affirmé progressivement depuis un siècle, prend aujourd'hui un relief particulier. En effet, nous sommes face à un nouveau totalitarisme, qui tente d’imposer par la contrainte l’idée d’un homme rationnel, mû par son seul intérêt, atomisé et irresponsable dans la durée. La « violence des riches », sans égal, s'exerce aussi envers l'action associative citoyenne. C'est pourquoi celle-ci prend une dimension politique par son existence même, par son obstination à vouloir exprimer la capacité d'agir des citoyens, des hommes et des femmes de notre pays. Elle prend une dimension de résistance et de protestation. Mais aussi de construction d'un autre possible, dès maintenant, souvent à travers d’humbles réalisations locales, dans l'imperfection et parfois dans le doute, mais aussi dans la créativité et une inventivité sans égal. Tout notre travail est de rendre chacun conscient de la portée de son action.

Mercredi - Soustraire certaines activités à l’extension indéfinie de la concurrence

Dans la plupart des pays européens, les crèches parentales sont considérées comme des activités non économiques, car leur finalité est d'associer des professionnels et des parents autour d'un même projet pédagogique. Le débat et le travail en commun permettent de construire un lieu d'épanouissement des enfants et un lieu d'apprentissage de la vie associative pour tout ceux qui participent. On est loin de la définition européenne de l’activité économique, qui consiste à « vendre des biens ou des services régulièrement sur un marché ». Cependant, le gouvernement français a considéré en 2007 que le secteur de la petite enfance était un secteur concurrentiel, mettant sur le même pied la simple garde d'enfants et un travail éducatif en profondeur.

Il en est de même de beaucoup d'activités associatives. Leur finalité n'est pas d'abord le profit, mais le service du bien commun ou le respect des droits fondamentaux à travers des tâches d'intérêt général. La nature des relations humaines, la relation au temps et à l'argent, les objectifs de l'action sont différents lorsque l'action est portée par une structure associative ou d'économie solidaire non lucrative. C'est cette réalité qui est niée par l'idéologie dominante.

La réglementation actuelle découle des conditions dans lesquelles la directive Services (ex Bolkenstein) a été appliqué en France. En 2007, pour ne pas rouvrir le débat sur le traité constitutionnel européen, le gouvernement s'est contenté de transposer cette directive par petits morceaux, sans cohérence d'ensemble. Une loi de transposition reste nécessaire, comme l'ont fait la plupart des autres pays européens. La réglementation européenne permet, même dans sa forme actuelle, de soustraire certaines activités à l’extension indéfinie du champ de la concurrence, en réservant la réalisation de certaines actions d'intérêt général à des opérateurs ne poursuivant aucun but lucratif. C'est ce que souhaitent les associations citoyennes.

Jeudi - Comment les appels d'offres tuent les projets associatifs

Depuis 35 ans, Accueil Goutte d’Or travaille avec les habitants de ce quartier du 18ème à Paris, avec une équipe qui connaît chaque famille, dans un grand climat de confiance. En 1996, elle a mis en place un suivi des allocataires du RSA, subventionné par la Ville de Paris. En 2006, celle-ci passe aux appels d’offres et segmente l’action en différents lots : les SDF, les plus de 50 ans, …Pendant quelques années, l’association se voit attribuer les marchés et continue d’être financée. Mais en 2012, elle n’est pas retenue, ne pouvant soutenir la concurrence avec des plus grandes associations qui opèrent sur l’ensemble de la capitale. Accueil Goutte d'Or doit licencier 2 salariés. Pour les habitants, la prise en charge s'arrête du jour au lendemain, certains n’ont plus de suivi. D’autres sont orientés vers des structures qui ne les connaissent pas. Les élus se montrent désolés de cette décision financière qui leur échappe.

Aujourd'hui, des exemples comme celui-ci se comptent en France en France par milliers.

Alors que la parole officielle encense l'appui aux personnes les plus démunies, les associations du secteur voient leur action remise en cause par une logique technocratique qui ne connaît rien des réalités locales et qui raisonne uniquement en termes de ratios et de chiffres. Les services juridiques et financiers des collectivités imposent leur point de vue aux élus et aux autres services.

Les procédures d'appel d'offres, encouragées par Bruxelles et par le ministère des finances, constituent une arme de destruction massive des projets associatifs, réduisant les associations à des rôles d’exécutants. La ministre de la vie associative a entrepris un travail de défense de la subvention en lui donnant une base légale, mais qui peut croire que cela sera suffisant ? C'est une réflexion en profondeur sur les fondements de l'action locale qui est nécessaire. Espérons que les prochaines élections municipales seront l'occasion de lancer ce débat.

Vendredi - Le rôle des associations au sein des territoires, enjeu politique

L'avenir des associations se joue dans la qualité des relations qu'elles peuvent nouer avec les collectivités. Mais réciproquement la réussite des équipes municipales dépend de la reconnaissance du travail réalisé par les associations. Toutes deux sont confrontées aux mêmes enjeux sur les territoires, qu'il s'agisse du chômage, des souffrances sociales, de la nécessité d'une transition écologique ou du manque de perspectives pour les jeunes. Face à ces enjeux, certains ont réussi à construire des relations partenariales en essayant de répondre tous ensemble aux besoins de la population. Certaines communes considèrent le soutien aux associations comme une priorité politique tant leur rôle est fondamental. Il ne s'agit pas d'annexer les associations au programme de l'équipe municipale départementale, mais de reconnaître, comme le dit le maire d’Allonnes, que les associations sont pleinement indépendantes, avec leurs objectifs propres, pour débattre et agir ensemble. Cela amène parfois les élus à se réinterroger sur leurs pratiques pour que les citoyens puissent avoir un rôle actif sur le terrain.

Cette dimension de participation citoyenne avait tout simplement été oubliée dans le projet de loi sur la décentralisation en cours de discussion. L'action vigoureuse et conjointe d'un certain nombre d'élus et de réseaux associatifs a permis semble-t-il de réintroduire dans le texte un volet « participation citoyenne ». Mais beaucoup de chemin reste à faire pour que de telles relations se développent partout sur le territoire national.

Une nouvelle charte d'engagements réciproques entre l'État, les collectivités et les associations devrait être signée prochainement. Elle peut constituer localement un cadre pour discuter de relations équitables entre associations et collectivités. Espérons que des municipales permettront de resituer ces enjeux communs et d'asseoir sur de nouvelles bases le nécessaire dialogue entre associations et collectivités.

Cet article est le 9ème paru sur ce blog et le 2èm dans la catégorie Associations.

Publié dans Associations

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article