E de Waresquiel : Joseph Fouché, précurseur de l'homme d'Etat moderne

Publié le par Michel Sorin

Un homme complexe, voie de passage entre l’ordre ancien et l’ordre nouveau

 

Le 14 novembre, j’ai répondu à l’invitation de la librairie Corneille à Laval, librairie qui m’est chère (voir cet article du 13 février 2014 : La librairie Corneille (ex-Chapitre) à Laval fait un retour à l’esprit Siloë).

Je tenais à rencontrer l’historien, chercheur et écrivain, Emmanuel de Waresquiel (Wikipédia), qui a fait ses études à Laval - sa famille possédant le château de Forcé, près de Laval - avant de rejoindre l’Ecole normale supérieure. Il est docteur en histoire et chercheur à l’Ecole pratique des hautes études. Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages dont un « best-seller », « Talleyrand, le prince immobile », qui a été couronné par de nombreux prix.

Il présentait son livre « Fouché, les silences de la pieuvre » (Taillandier/fayard, septembre 2014, 882 pages, 29,90 €), auquel il a consacré cinq ans de travail.

Voir (Wikipédia) Joseph Fouché et (Ouest-France, 7 novembre 2014) : L'historien Emmanuel de Waresquiel en dédicace

Voir aussi cet article (Ouest-France, 7 novembre 2014) : Le surprenant et brillant Fouché 

Fouché de Nantes, le bourgeois impécunieux, le petit professeur en soutane des collèges de l'Oratoire, Fouché le conventionnel, le tueur de roi, le proconsul de Nevers et de Moulins, le mitrailleur de Lyon, le tombeur de Robespierre et le cauchemar de Napoléon, le ministre de tous les régimes, l'inventeur de la police moderne, le bâtisseur d'État, le théoricien et l'homme d'action, l'aventurier, le conspirateur et le parvenu, c'est tout cela Joseph Fouché. « Assurément l'un des hommes les plus puissants de son époque, en tout cas l'un des plus étonnants. Rares sont ceux qui inventèrent de nouvelles règles du jeu sans attendre la fin de la partie. Fouché a été de ceux-là », explique Emmanuel de Waresquiel qui fouille jusque dans ses moindres recoins la vie d'un homme aussi dissimulé que contradictoire. À l'aide de larges fonds d'archives - dont beaucoup sont inédits - il dessine le portrait brillant d'un incroyable personnage jusqu'ici incompris et desservi par sa légende noire. Il nous donne ce faisant un Fouché d’une surprenante actualité.

Avec les téléspectateurs de France 5, je l’avais vu, la veille, le 13 novembre, dans l’émission « La Grande Librairie », présentée par François Busnel. Voir la vidéo :

Regardez George R. R. Martin, Max Gallo, Franck Ferrand, Emmanuel de Waresquiel

Ce que j’ai retenu de la présentation de son livre par l’auteur, à la librairie Corneille

L’idée d’écrire ce livre est venue après celui sur Talleyrand. Mais Fouché, c’était plus difficile encore car c’était un homme plus complexe, qui avait fait disparaître ses sources. L’intuition était que Fouché a été une voie de passage obligé de la modernité. Il aide à comprendre notre époque. Il fut un homme d’Etat, conspirateur, aventurier, d’une infinie complexité. Sa légende noire, sinistre, est-elle justifiée ? Pour répondre, il faut passer derrière le miroir. L’historien est un archéologue et un mécanicien, qui démonte et remonte les pièces.

Joseph Fouché a écrit de nombreuses lettres, notamment à Robespierre et à Napoléon. Où sont-elles ? C’est un champ de ruines. Pour écrire ce livre, l’auteur a bénéficié d’un fonds d’archives qui avait été conservé par un notaire de la région parisienne, les unes relatives aux correspondances privées de Fouché (dans lesquelles on découvre un Fouché différent), les autres concernant les comptes secrets de la police. C’est la fille de ce notaire, ayant aimé son livre sur Talleyrand, qui l’a informé de l’existence de ces précieuses archives.

Fouché a créé la police en 1799, un ministère financé par les revenus occultes des maisons de jeux (la moitié des revenus devait être versés au ministère), sans aucun contrôle public de ce budget. Fouché fut l’homme de la destruction d’un ordre ancien (la monarchie) et aussi l’homme de la construction d’un ordre nouveau. Pour lui, l’Etat, confronté à l’opinion publique, ne peut se sauver que s’il contrôle l’opinion publique et la mobilité des gens, ce qui implique le secret et l’opacité de l’Etat par rapport à l’opinion publique. Il invente l’axiome de l’homme d’Etat moderne. Il crée les statistiques qui rendent compte des activités de la société, qui doivent être transparentes, contrairement à l’Etat, qui doit cultiver le secret. Ce sont Bonaparte et Fouché qui créent les préfets. Il y avait chez eux la volonté de fusionner les anciennes élites avec les nouvelles.

La famille de Joseph Fouché, de petite bourgeoisie, vivait au Pellerin, en Loire-Atlantique. Son père était capitaine de navire au long cours, faisant le commerce triangulaire du bois d’ébène et des esclaves. Par la suite, le révolutionnaire Joseph Fouché, présidera à l’abolition de l’esclavage. Son père est mort alors qu’il avait 12 ans. Trois de ses frères et sœurs sont morts en bas âge. Avec sa mère, il devait avoir une relation fusionnelle. Atteint de tuberculose, solitaire mais sensible, défavorisé par un visage laid, il se sauve par l’ambition. Il compensera son désamour à l’égard de lui-même par le pouvoir qu’il aura dans la révolution.

A la question « Aimer ou pas ses personnages », Emmanuel de Waresquiel esquive en soulignant sa passion de comprendre et d’apprendre. C’est gratuit. Fouché m’a fasciné, dit-il. A la fin de sa vie, proscrit (contraint à l’émigration par le roi Louis XVIII) et détesté, Fouché meurt, abandonné de tous (sauf de sa famille), à Trieste en 1820.

Fouché est toujours resté fidèle à ses principes révolutionnaires. Pendant un temps, il avait infiltré les réseaux royalistes de l’Ouest, avec beaucoup de savoir faire. A Lyon, il avait exercé la terreur sans aucun scrupule contre les rebelles royalistes et girondins. C’était en 1793-94. Il était partisan de la révolution totale, sociale, économique, culturelle. On peut parler de tentation totalitaire. Il voulait transformer l’Homme, l’éduquer en le coupant de sa famille. Il organisait des Fêtes révolutionnaires. Il avait été enseignant, dans une congrégation religieuse, sans être prêtre. Beaucoup, comme lui, sont passés de la religion à la République. Les plus grands activistes révolutionnaires étaient souvent d’anciens prêtres.

En bref…

Fouché a été une voie de passage obligé de la modernité. Il aide à comprendre notre époque. Il fut un homme d’Etat, conspirateur, aventurier, d’une infinie complexité, doté d’un très grand savoir faire dans la police, qu’il a créée, au côté de Bonaparte.

Fouché fut l’homme de la destruction d’un ordre ancien (la monarchie) et aussi l’homme de la construction d’un ordre nouveau, de type totalitaire (révolution totale).

Fouché est toujours resté fidèle à ses principes révolutionnaires et il a constamment défendu l’idée révolutionnaire de la République.

Cet article est le 218ème paru sur le blog CiViQ et le 6ème, catégorie Personnalités

Emmanuel de Waresquiel, le 14 novembre 2014, à la librairie Corneille à Laval

Emmanuel de Waresquiel, le 14 novembre 2014, à la librairie Corneille à Laval

Publié dans Personnalités

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