Roquefeuil (FNPL) : les éleveurs laitiers français veulent un juste prix

Publié le par Michel Sorin

 

Changer la façon de calculer le prix payé au producteur

 

Les producteurs de lait ne savent pas comment sortir de la crise qui les foudroie depuis plus de deux ans. Leurs représentants professionnels ont été, jusqu’à présent, impuissants à peser auprès des acteurs de la filière laitière et des pouvoirs publics.

L’arrivée d’un nouveau pouvoir politique peut-elle créer les conditions d’une nouvelle donne dans les rapports de forces au sein de la filière laitière nationale ?

Le nouveau ministre de l’agriculture et de l’alimentation est proche des organisations agricoles, et favorable à la régulation de la production et à la revalorisation de l’acte productif. Il a prévu pour cela d’organiser dès cet été les Etats généraux de l’Alimentation avec les différents acteurs de la filière.

Voir Jacques Mézard ministre de l'agriculture

Jacques Mézard, sénateur PRG du Cantal, est ministre de l'agriculture

 

Le quotidien régional Ouest-France, dans son édition du 9 juin 2017, a publié un entretien (André Thomas) avec le président de la Fédération nationale des producteurs de lait, Thierry Roquefeuil,

Les éleveurs laitiers veulent sortir de la crise

Deux ans et demi que le prix du lait ne couvre pas leurs coûts de production… Les éleveurs laitiers seront dans la rue mardi.

La filière laitière française, c’est 29 milliards d’euros de chiffre d’affaires. L’équivalent de la moitié de l’industrie aéronautique. De grands groupes y prospèrent (Lactalis, Danone, Savencia, Bel, Sodiaal, etc). Mais les 63 600 éleveurs de vaches laitières, pour moitié en Bretagne, Normandie et Pays de la Loire, sont dans le rouge.

Des éleveurs vivent avec 5 500 € par an. La faute au prix du lait payé par les laiteries : autour de 300 € les 1 000 litres, alors qu’il en faudrait 340.. Des conflits naissent, comme récemment à Guingamp.

Mardi, les éleveurs laitiers seront dans la rue, à l’appel de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL, branche lait de la FNSEA). Son président, Thierry Roquefeuil, explique les propositions qu’il défendra aux Etats généraux de l’Alimentation, qui se tiendront cet été et à l’automne à l’initiative d’Emmanuel Macron.

Entretien avec Thierry Roquefeuil, président de la Fédération nationale des producteurs de lait (branche lait de la FNSEA)

« Bâtir une méthode pour fixer un prix juste »

Une majorité d’éleveurs laitiers est en crise. Pourquoi ?

Parce que nous avons subi, à partir de 2014, l’embargo de la Russie puis la fin des quotas en 2015. La Commission a réagi, acheté de la poudre de lait et subventionné la réduction volontaire de la production. Mais beaucoup trop tard.

La crise frappe-t-elle tous les producteurs de la même manière ?

Non. Les éleveurs qui travaillent en bio, pour des appellations d’origine contrôlée ou en circuit court s’en sortent mieux. Ceci pour plusieurs raisons : offre ajustée à la demande, meilleure valorisation, moins d’intermédiaires et donc plus de marge. La production laitière peut donc être rentable. Mais ces éleveurs-là ne représentent que 20 % de la production française.

Les producteurs sont pourtant réunis en organisations, négocient des contrats avec les laiteries, bénéficient de la loi Sapin 2. Qu’est-ce qui cloche ?

D’une part ces organisations sont très nombreuses, sans doute trop. Ensuite, certains industriels ne respectent pas la loi Sapin 2. Ils n’affichent pas le prix payé au producteur lors de leur négociation avec la distribution. Enfin, les indicateurs fournis par l’interprofession du lait, qui entrent dans le calcul du prix du lait, ne sont pas les bons. On y trouve la poudre de lait en Nouvelle-Zélande, le prix des fromages en Allemagne… mais pas le prix des fromages en France !

Une aberration ?

Absolument ! Le lait produit en France est à 60 % consommé en France. Le lait produit en Europe est à 80 % consommé en Europe. Il y a là une assise solide pour que soient établis des prix de référence tenant compte de la valorisation du lait. Mais il faut que l’État se batte pour cela en France et à Bruxelles. A ce titre, notre fédération lance, le 13 juin, un mot d’ordre d’action nationale, dans les régions laitières et évidemment en Bretagne, mais aussi à Paris.

La filière est menacée ?

L’élevage laitier, c’est particulier. C’est technique, contraignant. Deux traites par jour, 365 jours par an. Un produit qu’on ne stocke pas, avec des critères de qualité précis. Un éleveur est engagé avec sa laiterie, il n’en change pas comme ça. On doit donc rebâtir une méthode pour que le prix payé aux éleveurs leur permette de vivre. Faute de quoi, la France perdra cette richesse, avec ses emplois en milieu rural et 3,4 milliards d’excédent commercial à l’export. Pourtant, la production laitière française correspond à cette agriculture familiale, de proximité, traçable, que recherche le consommateur.

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Cet article est le 390ème paru sur le blog CiViQ - le 121ème en catégorie Agriculture Alimentation

Thierry Roquefeuil, le 1er mars 2016, lors d'un débat de la filière laitière organisé par la Confédération paysanne au Salon de l'agriculture

Thierry Roquefeuil, le 1er mars 2016, lors d'un débat de la filière laitière organisé par la Confédération paysanne au Salon de l'agriculture

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