La Russie et les sanctions : son retournement vers l'Asie est irréversible

Publié le par Michel Sorin

Poutine l’européen met en œuvre une alliance de revers avec la Chine

 

Le système américain est un tout, un « kit complet », comme disait Jean-Michel Quatrepoint*, hier, dans le débat, lors du colloque organisé par la Fondation Res Publica (voir Crise ukrainienne, crise Europe-Russie : Chevènement au coeur du débat).

JM Quatrepoint faisait référence au livre de Hillary Clinton (voir Hillary Clinton est partout), dans lequel elle dit clairement que les USA ont un système « clé en main » qu’il faut adopter. Sinon, on est un ennemi. C’est le bien contre le mal. En 2009-2010, la Chine et la Russie n’ont pas voulu adopter ce « kit ». Ils se sont mis dans le camp ennemi. En 2010-2011, les USA ont lancé leur offensive énergétique avec les gaz de schiste afin de ne plus dépendre de l’Arabie saoudite. Ils exigent de l’Europe qu’elle cesse de dépendre du gaz russe. L’Allemagne ne doit pas se lier à la Russie mais aux USA. Elle est aspirée par l’atlantisme, ce qui correspond à sa tendance naturelle. L’entreprise Siemens a racheté une entreprise américaine afin de se s’engager dans la fracturation hydraulique et l’extraction des gaz de schiste. Les traités trans-atlantique et trans-pacifique sont faits pour séparer les amis des ennemis.

Lors de ce colloque de la Fondation Res Publica sur le thème La Russie en Europe, les intervenants ont été éloquents en ce qui concerne l’évolution de la Russie.

Jacques Sapir a d’abord fait le bilan des sanctions liées à la crise ukrainienne. La Russie met en place des mécanismes de substitution aux sanctions. Ses entreprises mettent fin aux contrats passés avec des entreprises occidentales (énergie, métallurgie), ce qui a pour effet d’amplifier les conséquences des sanctions. Elle diminue les transactions en dollars et en euros, se tournant vers d’autres devises (Chine, Inde).   

Extrait de La Chronique Agora (Bill Bonner, 24 sept. 2014) : voir DollarRussie et cuisine :

"Le ministre des Finances russe appelle à passer des bons du Trésor US vers les obligations des BRIC et à régler les transactions en devises autres que le dollar.

 [...] le Premier ministre russe Dimitri Medvedev a déclaré à Rossiya TV lors d’un entretien [que les BRIC] devraient régler leurs transactions en devises nationales, court-circuitant les conversions en dollar US, ajoutant que ‘nous pouvons facilement faire des règlements directs’ et que le mécanisme serait bénéfique pour les deux parties.

Et si cela n’était pas encore assez clair, la Russie a quasiment achevé son demi-tour de l’Occident vers la Chine. Medvedev a également déclaré que ‘notre collaboration avec la Chine est d’une importance stratégique. Nous avons des contacts politiques excellents et intelligents, nous avons des relations économiques parfaites. [La Chine] est notre partenaire stratégique et nous sommes intéressés par la perspective d’étendre le volume de cette coopération. Cela ne nous effraie pas parce que nous avons toute confiance dans le fait qu’il s’agit d’une collaboration égale, amicale et mutuellement bénéfique dans tous les domaines".

Jacques Sapir a démontré que cette évolution de la Russie prend sa source dans l’analyse de la crise financière de 2007-2008. Auparavant, depuis 2004-2005, la Russie avait fait le choix politique du partenariat avec l’Union européenne : exportation des hydrocarbures, importation de biens industriels de haute technologie. Elle pensait alors utiliser à son profit les grands marchés financiers.

La crise financière amène l’ensemble des dirigeants russes à penser que les USA et l’UE ne sont pas capables de gérer le système financier et que l’UE est condamnée à vivre une stagnation comparable à ce qui est arrivé au Japon. C’est le début du retournement vers l’est. La Russie diminue ses importations en provenance de l’UE et augmente celles en provenance des BRICS et de l’Asie (qui passent de 9 % en 2000 à 27 % en 2012).

La crise ukrainienne accentue cette tendance. La Russie se tourne vers des entreprises de Taïwan et de Corée du sud pour des opérations d’investissements de grande envergure, pour lesquels la confiance est nécessaire. La Chine  joue un rôle dominant. Le yuan devient la deuxième monnaie de transaction financière, devant l’euro. Des contrats, impressionnants en volume, qui étaient en négociation depuis 3 ou 4 ans, sont conclus.

Ce tournant, qui semble irréversible (au moins pour les 15, 20 ou 25 prochaines années), s’appuie sur un changement de réalité, qui a commencé il y a 3 ou 4 ans.

* Voir Quatrepoint : le sursaut français par l'union de l'intelligence nationale

Cet article est le 174ème paru sur le blog CiViQ et le 28ème dans la catégorie Europe Continent

Les intervenants, lors du colloque de la Fondation Res Publica, le 23 septembre 2014

Les intervenants, lors du colloque de la Fondation Res Publica, le 23 septembre 2014

Publié dans Europe Continent

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