Les actes du colloque Res Publica sur la réforme bancaire sont publiés

Publié le par Michel Sorin

Les banques françaises subissent l’hégémonie de la finance anglo-saxonne

 

Le colloque de la Fondation Res Publica, organisé le 23 juin 2014, avait été préparé par Dominique Garabiol, administrateur et membre du Conseil scientifique de la Fondation Res Publica. Voir La fin du modèle bancaire français, introduction au colloque Res Publica.

Les actes de ce colloque ont été publiés. Voir La réforme bancaire : pomme de discorde ?

Voici des extraits des interventions de Dominique Garabiol lors de ce colloque, le premier dans son exposé d’introduction au colloque et le second dans le débat final :

Dans l’introduction : La fin du modèle bancaire français, pour quel modèle?

Les crises financières des subprimes et de la zone euro ont été suivies d’une effervescence réglementaire si vertigineuse qu’elle crée plus qu’un doute sur la cohérence et même sur la finalité de la réforme engagée. S’agit-il de changer le système ou de tout changer pour que rien ne change pour paraphraser Lampedusa ? 
Les grandes banques mondiales, principaux acteurs du système, ont été mises en cause dans le déclenchement ou l’aggravation de ces deux crises successives, quelquefois avec raison pour leur rôle actif dans la fabrication ou la dissémination de produits toxiques, le gonflement de leur bilan sans relation avec leur activité fondamentale, le financement des bulles immobilières. Mais il est surprenant qu’elles aient toutes agi à l’unisson, comme guidées par un chef d’orchestre. Quel est ce chef d’orchestre ? 
Quelquefois, la responsabilité des banques a aussi été recherchée à tort. Les banques sont les intermédiaires des financements de l’économie. Quand une économie s’écroule, comme en Grèce ou en Espagne, les pertes privées sont mécaniquement reportées sur les banques qui ne sont qu’un maillon du circuit de leur socialisation. Cette socialisation des pertes est nécessaire au système capitaliste pour resolvabiliser les agents privés et éviter les spirales dépressives. Mais dans ces cas, les responsabilités réelles sont plutôt d’ordre macro-économique. 
Les banques, pour important que soit leur rôle, ne sont que les actrices d’un système. La réforme bancaire suffit-elle vraiment aux objectifs affichés par le pouvoir politique ? Le sens de cette réforme peut être mis en question à travers les deux volets principaux que sont le renforcement des règles prudentielles et celui du cadre européen. Le but de cette introduction au colloque est de poser ces questions sans détour
(…).   

La conversion du modèle bancaire français sur le modèle anglo-saxon est déjà engagée. Au cours des trois dernières années, le financement des sociétés non financières a été obtenu, en ordre de grandeur, à 70 % par des émissions de titres, pour les grandes entreprises, et à 30 % par les crédits bancaires, pour les PME. 

Le rêve de faire de Paris une grande place financière internationale, à l’image de ce qu’elle fût pendant la première mondialisation, s’est évanoui depuis longtemps.

L’idée de spécialiser la France dans la finance comme l’Allemagne s’est spécialisée dans la machine-outil en s’appuyant sur la zone euro, comme ligne Maginot nous protégeant de Londres, s’est fracassée sur les deux fronts : sans industrie, la France devient débitrice du reste du monde et n’a plus d’épargne abondante à placer à l’étranger comme avant 1914 ; la lutte fratricide services‑industrie au sein du Medef et pour la captation des ressources humaines et financières du pays traduit la dynamique mutilante des 20 dernières années ; le Royaume-Uni a su faire valoir les règles du marché unique pour s’opposer à une exclusivité des fonctions monétaires de l’euro, comme la compensation des opérations, au sein de la zone euro ; Paris s’est trouvé banalisée au second plan. 
Cet échec s’est symbolisé par la perte de la Bourse de Paris, devenue Euronext, rachetée par une bourse américaine. Le hasard veut qu’elle nous revienne mais nous ne semblons pas très bien savoir qu’en faire. 
La mise en cause à ce stade du modèle bancaire français est dans la continuité de cette évolution. Pourtant, immédiatement après la crise de 2008, la question de l’intérêt et de l’efficacité de règles internationales était ouverte. La France a finalement ardemment plaidé pour l’émergence de règles internationales. Selon Dani Rodrik, professeur à Havard, « la coordination mondiale est incapable de produire des réglementations fortes [et] encourager une harmonisation internationale est une recette qui ne peut donner que des réglementations faibles et inefficace] ». Il en déduit que « c’est l’une des raisons pour lesquelles les banquiers adorent la coordination internationale ». Le but est effectivement d’obtenir une régulation de compromis, donc assez faible. L’échec de la finance anglo‑saxonne avec la crise des subprimes donnait de surcroît un sentiment de confort à la finance française. Le confort a tourné à la suffisance et s’est heurté à la réalité politique de l’hégémonie anglo‑saxonne. La réforme bancaire est-elle le Sedan de la banque française ? Le temps semble venu d’envisager un plan B ! 

Dans le Débat final

(…) Le nœud reste les crises systémiques. C’est très bien de mettre en place des règles communes au niveau européen dans le souci de l’équité concurrentielle mais le problème auquel nous avons été confrontés est celui des crises systémiques. Le fonds de résolution traite des problèmes marginaux qui ne méritent pas l’emphase qui a accompagné cette conclusion de la directive et du règlement européen. 


Mais je m’inquiète du fait qu’aucun des intervenants n’a mis en cause la politique monétaire. À partir du moment où la politique monétaire est permissive de façon extrême sur la création du crédit, dès lors qu’il n’y a aucun canal d’orientation des crédits entre l’économie réelle et les activités des marchés, les activités de marché sont un trou noir de liquidité apportée par la banque centrale. En effet, les activités de marché dégagent une rentabilité unitaire très faible et les profits constatés depuis des années sur les activités de marché sont liés à une croissance extensive. Les activités de marché ont besoin systématiquement de terrains de jeu supplémentaires. D’où l’intérêt des banques et du marché pour les matières premières, dont Olivier Guersent a parlé. Ce fut ensuite le marché du carbone avec des fiascos tout aussi considérables. 
Tant que l’expansion du crédit reste ce qu’elle est et que les banques centrales n’instaurent pas d’instrument d’orientation de la création monétaire vers l’économie réelle, comment peut-on prévenir une crise systémique ? 

La solution ne réside pas dans les montants des fonds propres des banques qui ne peuvent aboutir qu’au déversement des crédits sur le shadow banking que j’ai évoqué en introduction. Si on continue de créer du crédit à ce rythme en contingentant les activités bancaires, fatalement la création de crédit se fera par des institutions extérieures au système financier officiel bancaire

Cet article est le 181ème paru sur le blog CiViQ et le 15ème dans la catégorie Economie Emploi

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Dominique Garabiol

Dominique Garabiol

Publié dans Economie Emploi

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