La persistance de salmonelles dans l'usine de Craon fait chuter Lactalis
Le leader mondial de l’industrie laitière s’en relèvera différent
Craon (prononcer cran). Ce nom n’avait jamais été autant cité dans les médias qu’en cette fin d’année 2017. Cette petite ville rurale du Sud Mayenne dans le Haut Anjou était surtout connue jusqu’à présent pour son château du 18ème siècle et ses courses hippiques (pas du tout pour mon lieu de naissance…).
Mais elle l’était aussi par les produits laitiers de sa principale entreprise industrielle qui s’appelait, il y a 70 ans, la laiterie de Craon, fondée par René Pasquier 20 ans plus tôt. Mes parents étaient dans une ferme à 10 km et livraient leur lait à cette laiterie, qui s’est appelée ensuite Celia et a été vendue en 2006* à Lactalis (groupe Lactalis Nutrition Santé LNS), dont le siège est à Laval, chef-lieu du département de la Mayenne. Voir Histoire - Lactalis
André Besnier est le fondateur lavallois de la laiterie à l’origine de ce groupe industriel géant de l’agroalimentaire, leader mondial de la transformation du lait. Il a transmis à son fils Michel et c’est aujourd’hui le petit-fils Emmanuel qui est aux commandes - jusqu’à présent dans le plus grand secret. Voir (francetvinfo.fr) : Cinq choses à savoir sur Emmanuel Besnier
La contamination de l’usine de fabrication de Craon serait datée de 2005
* Voir (bfmtv.com, 22 déc. 2017) Salmonelle: l'usine Lactalis avait déjà été contaminée en 2005
L'usine mayennaise avait déjà été frappée par une salmonelle alors qu'elle appartenait encore à la société Celia, avant d'être rachetée en 2006 par Lactalis. La bactérie à l'origine de la contamination à la salmonelle de l'usine Lactalis de Craon (Mayenne) est probablement la même que celle qui a frappé le site en 2005, a indiqué lundi l'Institut Pasteur. « D'après les analyses, les deux salmonelles, celles de 2005 et de 2017, sont extrêmement proches », a déclaré à l'Agence France-Presse le bactériologiste Simon Le Hello, confirmant une information de la Revue de l'industrie agroalimentaire (RIA). Simon Le Hello codirige le Centre national de référence salmonelle de l'Institut Pasteur à Paris, qui enquête sur cette bactérie ayant contaminé des laits infantiles.
Voir (Le Monde, 1er février 2018) : Lactalis s'explique sur la crise du lait infantile contaminé à la salmonelle
Voir (Ouest-France, 1er février 2018) : Lactalis : fermeture définitive de la tour de séchage N°1 à Craon
Dans un entretien accordé au quotidien Les Echos, Emmanuel Besnier, le PDG de Lactalis, dit avoir pris « une décision difficile mais indispensable ». La fermeture de la tour de séchage contaminée par des salmonelles. 327 personnes travaillaient sur cette partie du site, à Craon, destinée au séchage du lait. Les emplois ne seront pas supprimés mais redistribués dans les autres sites du groupe laitier, dans un rayon de 50 kilomètres.
« J’ai pris la décision de fermer définitivement la tour de séchage N°1 » de l’usine de Craon a annoncé mercredi soir Emmanuel Besnier, dans une interview publiée par nos confrères des Echos. 327 salariés travaillent habituellement sur cette partie du site dédiée à la production de poudre de lait.
Le PDG de Lactalis a présenté cette « décision difficile mais indispensable » aux représentants du personnel le soir même. Tout en assurant la volonté du groupe familial qu’il « n’y ait aucune suppression de poste ». Un programme de mobilité dans les sept sites Lactalis situés dans un rayon de 50 kilomètres au tour de Craon est proposé.
« Le germe né dans l’environnement de l’usine »
Le 10 décembre, l’État a fait retirer de la vente toute la poudre de lait fabriquée depuis dix mois chez Celia Craonnom du site de production de Craon. Cette décision faisait suite à la découverte, le 1er décembre, d’une contamination aux salmonelles après une enquête menée par la Répression des fraudes. Les traces de salmonelles ont été décelées sur la tour de séchage numéro 1 de Celia Craon, tour utilisée pour assécher le lait. À l’époque, le groupe Lactalis disait que « le germe était né dans l’environnement de l’usine » et qu’il ne proviendrait « pas du lait ».
La production à l'arrêt depuis le 8 décembre
Un mois et demi plus tard, le 24 janvier, auditionné par la commission des affaires économiques du Sénat, le directeur de la communication du groupe Lactalis, Michel Nallet, se montrait à peine plus précis : « La contamination aux salmonelles serait due à des travaux de modernisation menés dans l’usine de Craon. » Ce site de production est à l’arrêt depuis le 8 décembre. Une partie de ses 550 salariés a été affectée à la désinfection de l’usine, une autre dispersée sur d’autres sites en Mayenne et en Ille-et-Vilaine.
Des travaux sur les sols et les cloisons
« Il existe des solutions de rénovation pour cette tour, mais si nous suivions cette voie, nous aurions toujours la crainte d’une possible résurgence », justifie Emmanuel Besnier dans l’interview aux Echos.
« On sait aujourd’hui que nous avons libéré des salmonelles Agona en réalisant des travaux sur les sols et les cloisons de la tour de séchage n°1 », précise le PDG.
La même salmonelle qu'en 2005
La salmonelle, identique à celle qui avait posé problème en 2005, a « contaminé des équipements amovibles qui servent à produire de petites quantités de lait infantile ». Le matériel de nettoyage a été le vecteur. « Ces équipements ne peuvent être nettoyés par les technologies automatisées habituelles », indique Emmanuel Besnier.
Des tests efficaces ?
Deux alertes à la salmonelle ont été déclenchées en août et en novembre 2017 dans l’environnement de la tour. « Quand cela arrive, on nettoie jusqu’à ce que tout soit conforme. Et on reprend l’activité. » Lactalis cherche à comprendre pourquoi les « 16 000 analyses effectuées en 2017 » par un laboratoire extérieur n’ont rien révélé.
La sensibilité de tests est mise en doute par le groupe. « Ce n’est pas possible qu’il y ait eu zéro test positif ». Selon le PDG de Lactalis, des bébés auraient donc pu « consommer du lait contaminé entre 2005 et 2017 ».
Les exportations menacées
Cette crise va coûter « plusieurs centaines de millions d’euros au groupe » annonce Emmanuel Besnier. Elle peut aussi priver Lactalis de son agrément à l’exportation. Et de la présence de ses produits sur le marché chinois.
Après des plaintes de parents d’enfants tombés malades à cause du lait infantile contaminé fabriqué par Lactalis, la justice s’est saisie de cette « affaire d’État » : le 22 décembre, le pôle santé publique du parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire.
Voir aussi (OF, 1er février 2018) : Lait contaminé Lactalis. « Un scandale sanitaire d'une ampleur inédite »
Voir aussi (Le Figaro) : Lait contaminé : tout savoir sur l'affaire Lactalis
Le scandale Lactalis, chronologie d'une crise commencée en 2005
Voir aussi (Leglob-journal, acteur et vecteur de la Pensée critique en Mayenne) les dossiers Lactalis et LactalisDossier.
Cet article est le 417ème paru sur le blog CiViQ - le 138ème en catégorie Agriculture Alimentation