Mayotte, île française des Comores, département où la vie s'est arrêtée

Publié le par Michel Sorin

Choc entre une histoire coloniale, des fractures sociales et un cyclone dévastateur

Mayotte était un problème insoluble. Après le cyclone tropical Chido qui a dévasté l'île le 14 décembre 2024, c'est un problème qui doit être résolu. Le gouvernement n'a plus le choix. Il annoncera des mesures lors de sa visite sur l'île lundi 30 décembre. Voir (Le Monde, 28 décembre) : Cyclone Chido à Mayotte : le déplacement de François Bayrou décalé d'un jour.

Pour une bonne compréhension du problème, dans toutes ses dimensions, voir cet article publié sur le site de The Conversation le 20 décembre sous le titre Mayotte : histoire coloniale, fractures sociales et désastre environnemental. L'auteur est Bernard Kalaora, professeur honoraire de l'université de Picardie Jules Verne. Extraits.

Mayotte, petite île de l’océan Indien, symbolise à elle seule la collision brutale entre histoire coloniale, fractures sociales et désastres environnementaux. Département français depuis 2011, elle est un territoire en crise, où la misère humaine et les catastrophes naturelles s’entrelacent dans une spirale infernale. Les événements récents – séismes, tornades, montée des eaux – ne sont que la face visible d’un effondrement plus global. Ils révèlent une vulnérabilité accumulée sur des décennies, amplifiée par des promesses non tenues, des inégalités criantes et une gestion déconnectée des réalités locales.

En 1974, Mayotte se sépare des Comores à l’issue d’un référendum où les Mahorais choisissent de rester français. Ce choix, né du désir d’échapper à l’instabilité politique des Comores indépendantes, place l’île dans une situation paradoxale : elle devient un territoire français entouré de voisins économiquement fragiles. Cette appartenance à la République française, vue comme une chance à l’époque, isole Mayotte de son propre environnement géographique et culturel. Rapidement, cette singularité engendre des tensions avec les autres îles de l’archipel, notamment l’île comorienne d’Anjouan, d’où proviennent chaque année des milliers de migrants.

L’intégration comme département, survenue en 2011, devait marquer une nouvelle ère pour Mayotte. Les Mahorais espéraient voir leur île se développer et accéder à des droits égaux à ceux des métropolitains c’est-à-dire que s’y applique pleinement les lois françaises et européennes, à la différence d’une collectivité territoriale. Mais cette départementalisation s’est révélée un leurre. La croissance fulgurante de la population, (76 000 habitants en 1991, 300 000 habitants en 2023), dépasse largement la capacité des infrastructures et des services publics à répondre aux exigences, tout en exacerbant l’obsolescence des équipements, faute d’entretien (...).

Mayotte incarne cette temporalité brisée. L’île n’a pas de nostalgie d’un âge d’or, car son histoire est marquée par des fractures successives : colonisation, séparation des Comores, départementalisation ratée. Elle n’a pas non plus de projet d’avenir, car les conditions de vie, les inégalités et les crises structurelles la maintiennent dans un état d’urgence permanent. Ce présentisme exacerbé renforce le sentiment d’impuissance, rendant impossible toute perspective de reconstruction ou de progrès.

La situation actuelle de Mayotte peut être qualifiée d’hypercriticité : un état où les tensions sociales, politiques et environnementales atteignent un point de rupture, où chaque élément, même mineur, peut précipiter un effondrement global.

Ce terme désigne non seulement l’accumulation des vulnérabilités, mais aussi l’incapacité à s’en extraire. L’hypercriticité, c’est l’impossibilité de penser au-delà de l’urgence, l’incapacité de construire des ponts entre les crises pour trouver des solutions globales. À Mayotte, cet état est visible dans chaque aspect de la vie : dans l’école qui échoue à offrir un avenir, dans les bidonvilles qui s’étendent, dans la mer qui rejette les déchets de l’île et engloutit peu à peu ses côtes, dans l’accès à l’eau et à un environnement sain, dans la pression démographique et ses conséquences écologiques.

Cette crise révèle une conjonction inédite entre deux histoires : celle, humaine, de la globalisation, avec ses migrations, ses inégalités et ses fractures coloniales ; et celle, planétaire, d’une Terre abîmée par la dégradation accélérée des écosystèmes (...).

Voir aussi (The Conversation, 24 déc.) : Mayotte : cyclone météorologique et cyclone social

- (Mayotte.gouv.fr) : Histoire et Géographie - Culture, Tourisme et Patrimoine

Cet article est le 550ème paru sur le blog CiViQ - le 72ème, catégorie France

Article paru le 28 décembre 2024 sur http://civiq.over-blog.com

Mayotte, île française des Comores, département où la vie s'est arrêtée

Publié dans France

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