Les peuples, méprisés, se détournent des élections européennes

Publié le par Michel Sorin

L’Union européenne, atlantiste et néolibérale, a bafoué les représentations du peuple

 

Les élections européennes se déroulent dans les 28 pays de l’Union européenne, entre le 22 mai (Royaume-Uni et Pays-Bas) et le 25 mai (la plupart des pays, dont la France). La participation des électeurs, le 22 mai, a été faible (35 et 37 %). Voir cet article publié ce 23 mai sur le site de Marianne : Pays-Bas : le « Parti de l'abstention » entre au Parlement !

Rappel : Elections européennes : la question du boycott et de l'abstention divise (blog CiViQ, 21 mai 2014).

Plus on connaît l’Union européenne, moins on est surpris par la très faible participation électorale. Voir Des explications vraies sur L'union européenne, par Anne-Cécile Robert (blog CiViQ, 21 avril 2014).

Un très bon livre est paru récemment. L’auteur, Coralie Delaume (37 ans), a commencé par un blog (L’arène nue) puis a écrit ce livre qu’il est bon d’avoir lu avant les élections du 25 mai.

Voir Europe, les Etats désunis : premier livre, réussi, de Coralie Delaume (blog CiViQ, 29 mars 2014) et Questions sur l'Europe des Etats désunis, le livre de Coralie Delaume (blog CiViQ, 3 avril 2014).

Europe, les États désunis - Éditions Michalon. Deux extraits du livre (p 38-39 et 202-203).

Le pacte commercial transatlantique, dernier avatar d’un économicisme myope

C’est pourtant au nom de sa capacité supposée à faire triompher « l’intérêt général de l’Europe » que la Commission s’est vu confier par les Etats, au printemps dernier, un mandat pour négocier avec les Etats-Unis un traité de libre-échange. Celui-ci, qui devrait s’inspirer de celui discrètement signé fin 2013 avec le Canada, est supposé prendre effet dans deux ans à peine.

C’est une occasion supplémentaire de mettre à jour le double tropisme de l’Union, particulièrement de son personnel bruxellois : tropisme atlantiste d’un point de vue géopolitique, foi dans les vertus du néolibéralisme d’un point de vue économique. Deux grandes constantes dans l’histoire de l’Europe. Nous l’avons vu, l’une est héritée des conceptions d’après-guerre et de l’empreinte laissée par Jean Monnet. L’autre est une idéologie têtue qui, sans craindre les paradoxes, n’a de cesse de vouloir produire autoritairement des libertés, économiques surtout. Cette idéologie imprègne tous les textes, depuis le traité de Rome qui fonde le Marché commun jusqu’au traité de Maastricht, en passant par l’Acte unique de 1986. Tous multiplient les libertés, dans le genre de celles dont bénéficie « le renard libre dans un poulailler libre » : liberté de circulation des personnes mais surtout des marchandises, des services, liberté d’installation des entreprises et, cerise sur le gâteau, libre circulation des capitaux (…).

Tout lâcher ?

(…) Le politiste Laurent Bouvet* dégage trois représentations possibles du peuple : le peuple démocratique, le peuple social et le peuple national. Le premier désigne le peuple souverain, la communauté de citoyens. Le second, ce sont les travailleurs, c’est le « peuple classe sociale ». Le troisième, enfin, se reconnaît dans une appartenance commune et parvient à maintenir son unité malgré les différences qui le traversent parce qu’il a conscience d’avoir en partage une seule et même nation.

Pour ne pas perturber la marche à l’intégration communautaire, on a bafoué la volonté du premier, on a fait fi du choix de la communauté des citoyens, on a mis hors-circuit le peuple démocratique. Le « peuple classe sociale » pour sa part, subit de plein fouet les conséquences des options économiques qui ont été prises pour faire avancer une construction qu’on a voulue essentiellement économique, monétaire et d’orientation libérale. Les plus modestes le payent au prix fort, qui subissent l’appauvrissement, la montée du chômage, la précarisation du travail. Quant au peuple national, il ne se reconnaît plus lui-même. Plongé dans le grand bain immatériel et poisseux du supranational, il est totalement incapable de s’imaginer un destin.

Au nom de l’Europe, ce sont les trois figures du peuple à la fois, décidément, qu’on abandonne (…).

* Laurent Bouvet, Le sens du peuple, Gallimard, 2012

Cet article est le 106ème paru sur le blog CiViQ et le 18ème dans la catégorie Europe Continent

Publié dans Europe Continent

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