Quatrepoint : le sursaut français par l'union de l'intelligence nationale

Publié le par Michel Sorin

Avoir une vision claire de ce que nous voulons pour la France et pour l’Europe

 

Après avoir présenté le livre de Jean-Michel Quatrepoint, journaliste et économiste - voir Le choc des empires, livre de JM Quatrepoint, pour comprendre le monde (6 août 2014) - puis la première partie de la conclusion concernant la France et le scénario du sursaut, comme en 1958 - voir Quatrepoint et la France : le sursaut avec la 3ème révolution industrielle (7 août 2014) - la deuxième - voir JM Quatrepoint et la France : le sursaut avec un nouveau rôle pour l'Etat (8 août 2014) - et la troisième - voir JM Quatrepoint et la France : le sursaut, rebâtir le système éducatif (9 août 2014), voici la quatrième et dernière partie des propositions concernant la politique internationale de la France.

Le sursautPour une Europe à la carte, à partir de projets concrets bien définis

Il ne s’agit pas de faire des réformes pour faire plaisir et obéir à Berlin, Bruxelles ou aux marchés financiers, mais parce que c’est le seul moyen pour éviter d’être définitivement colonisés. La négociation transatlantique doit nous ouvrir les yeux. Elle préfigure la fin d’une certaine idée de la démocratie et l’émergence d’un nouveau modèle où technostructure et multinationales disent le droit : une sorte de démocratie censitaire. Les peuples sont là pour avaliser les décisions que les élites techno-marchandes ont prises à leur place. S’ils votent mal, on les fait revoter, ou on ne tient pas compte de leurs votes. Rétablir nos comptes, retrouver la confiance des forces économiques sont la condition du sursaut. Alors, et alors seulement, nous pourrons retrouver des marges de manœuvre.

En attendant que ces réformes portent leurs fruits, ce qui prendra du temps, il faut ouvrir un dialogue musclé avec nos partenaires, avoir une vision claire de ce que nous voulons pour notre pays, dans l’ensemble européen. Pas de fédéralisme, ni à vingt-huit ni à six. Pas de fusion inégalitaire avec l’Allemagne. Mais une Europe à la carte, concrète, à partir de projets bien définis, dont chacun peut tirer un bénéfice. L’énergie en serait un bon exemple. Tout comme le développement des grandes infrastructures. Pour le reste, nous devons dire clairement que nous nous opposerons à tout accord transatlantique aux conditions actuellement négociées. Nous devons expliquer à nos partenaires de l’Eurogroupe, à commencer par les Allemands, que l’euro ne pourra survivre qu’à une condition : son cours, par rapport aux autres grandes monnaies, doit retrouver un niveau acceptable, supportable par les entreprises du Sud. A commencer par les nôtres.

Il sera impossible de faire des efforts de compétitivité s’ils sont immédiatement perdus parce que l’euro se sera apprécié de 5 % ou 10 %. Ou la BCE maintient la valeur de l’euro dans une fourchette dont le plafond ne dépassera pas 1,30 dollar, ou nous serons obligés de revoir les conditions même de l’euro, en revenant par exemple à une monnaie commune, et non plus unique, avec le retour à trois ou quatre monnaies nationales, après un réajustement de parité. Sortir de ‘euro n’est pas souhaitable, mais il ne faut pas s’interdire de l’envisager, si les conditions d’un maintien deviennent insupportables pour notre économie.

Tenir une telle position implique un gouvernement fort, qui s’appuie, non pas sur une union nationale, terme galvaudé, mais sur une union de l’intelligence nationale. En mai 1958, les classes dirigeantes, socialistes en tête, ont remis les clés du pouvoir à Charles de Gaulle. La peur a été leur première conseillère. Ils ont eu peur que les parachutistes de Massu sautent sur Paris. Comparaison n’est pas raison, la suite devrait pourtant nous faire réfléchir. En six mois, le nouveau gouvernement accoucha d’une nouvelle Constitution et d’un vaste plan économique (Rueff-Armand). Une dévaluation réussie et un grand emprunt enrayèrent la fuite des capitaux et les firent même revenir. La confiance, cet ingrédient indispensable à toute grande politique, était de retour. La France pouvait alors intégrer le Marché commun, sans en avoir peur.

Notre pays a encore des atouts. Il nous reste un embryon de Défense, une force de frappe, qui ne doivent en aucun cas être sacrifiés. Sans force de frappe, plus de siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Il est vrai qu’il ne manque pas désormais, au Quai d’Orsay, de diplomates, nourris au lait des néo-conservateurs, pour considérer ces attributs militaires et diplomatiques comme des reliques du passé. Ils devraient pourtant comprendre que le jour où la France ne les aura plus, c’est leur emploi qui disparaîtra. Les fonctionnaires allemands ou ceux de Bruxelles n’auront plus besoin d’eux.

Si l’on veut avoir une chance d’exister encore, à côté de ces empires, nous devons mener une diplomatie autonome, originale, jouer notre propre partition avec ceux qui sont un peu les exclus de ce kriegspiel mondial. Il est difficile de négocier avec les Chinois, qui préfèrent nettement les Allemands. Mais on fête, en 2014, le cinquantenaire de la reconnaissance de la Chine par le général de Gaulle. C’est une corde sensible sur laquelle nous pouvons encore jouer. La Russie est demandeuse de relations économiques et scientifiques avec la France : jouons le jeu. N’avons-nous pas été alliés avant la guerre de 1914 ?

Notre pays a une responsabilité envers le Sud pour des raisons historiques. Ces territoires sont francophones et la francophonie peut être demain un formidable atout. Une diplomatie indépendant doit trouver les moyens de normaliser les relations avec l’Algérie. L’Algérie est riche, les Algériens sont pauvres : faisons en sorte que les entreprises françaises, plutôt que chinoises ou allemandes, participent à son développement industriel. Afin que les jeunes Algériens, et plus généralement les Maghrébins et les Africains, trouvent de l’emploi dans leur pays et ne soient pas poussés à émigrer.

Avec l’Amérique latine, et notamment le Brésil, il y a beaucoup à faire. Profitons des frictions que certains de ces pays ont avec les Etats-Unis, après la découverte des écoutes de leurs dirigeants par la NSA. Discutons avec tous ces Etats, sans leur donner de leçons. Il se trouve que l’on peut avoir, avec chacun d’entre eux, des intérêts communs, même si leur manière de gouverner n’est pas forcément notre tasse de thé. La France, contrairement aux Etats-Unis, n’a pas de modèle à vendre et encore moins à imposer. Nous croyons en la diversité, et non en l’uniformité. Nous sommes favorables aux échanges, à condition qu’ils soient équilibrés. Nous respectons les cultures, les coutumes, les religions des autres, à condition qu’ils ne veuillent pas nous imposer les leurs. Nous sommes une terre d’accueil, dès lors que les arrivants acceptent nos règles du « vivre ensemble ». Nous respectons les autres, dès lors qu’ils nous respectent. Encore faut-il, pour aimer les autres, que l’on s’aime soi-même. C’est bien là notre problème aujourd’hui.

Cet article est le 163ème paru sur le blog CiViQ et le 16ème dans la catégorie Monde

Publié dans Monde

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