L'association MARS pour des prix agricoles durablement plus élevés

Publié le par Michel Sorin

 

Pour une répartition équitable de la valeur ajoutée dans la branche alimentaire

 

L’association MARS | Mouvement Agricole Rural Solidaire organisait une réunion le 5 décembre 2017 à Paris, sur le thème Pour une politique des prix et de partage des marges équitables dans les filières alimentaires Quels outils existants ou à construire ?

Dans une première partie, Philippe Boyer, secrétaire général de L'observatoire de la formation des prix et des marges, a présenté les modalités des travaux de l’observatoire. Ensuite, les participants ont posé des questions et élargi le débat à la problématique des prix des produits agricoles, insuffisant depuis plusieurs années pour assurer le revenu des agriculteurs.

Le texte introductif de la réunion MARS est assez explicite. Voir la présentation de la séance

La première phase des États généraux de l’alimentation a semble t-il abouti à un consensus sur la nécessité de mieux opérer le partage des marges dans les filières alimentaires afin notamment qu’il ne se fasse pas au détriment des producteurs, premiers maillons de la chaîne mais souvent derniers bénéficiaires en terme de valeurs ajoutées.

Les dernières crises  des marchés sur les principales productions, qui ont entraîné pour les producteurs des revenus dramatiquement en baisse  et susceptibles de déséquilibrer de façon cruciale ces filières, sont largement à l’origine de ce consensus. Mais que peut-il en résulter au delà de l’annonce ?

E. Macron*, dans son discours de clôture de cette première phase, a indiqué qu’il fallait inverser le sens de la construction du prix, en partant du producteur et de ses coûts de production pour établir cette chaîne de valeur. Ce qui a pu surprendre dans la mesure où  cette revendication syndicale n’a pas eu tellement le vent en poupe dans toute la phase de libéralisation continue des marchés agricoles.

Si le système de fixation des prix doit être inversé cela nécessite au moins deux choses :

  • Des instruments statistiques fiables et reconnus des parties prenantes, pour la  prise en compte des coûts de production des producteurs et le partage de la valeur ajoutée.

  • Un cadre réglementaire rénové qui ne peut de toute évidence, dans le contexte actuel, consister en un retour à des prix administrés. Alors sur quel système d’indexation s’appuyer, notamment pour rester compatible avec les règles européennes ?

Parmi les mesures préconisées par les premières discussions des États généraux de l’alimentation (EGA) il est question de renforcer l’observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires*. C’est pourquoi nous avons demandé à son Secrétaire général, Philippe Boyer de venir échanger à Mars à partir de son expérience d’animation des travaux de l’observatoire depuis ses débuts en 2010. Nous lui avons demandé :

  •  enfin d’ouvrir la discussion sur les améliorations ou évolutions nécessaires dans l’hypothèse ou ces productions statistiques devraient dépasser le simple statut d’observatoire pour devenir un outil de cette nouvelle politique répondant aux attentes des producteurs, des consommateurs, mais aussi de tous les bénéficiaires de la création de valeur  notamment les emplois salariés dans les filières alimentaires (plus de 2 millions d’emplois induits par la consommation alimentaire dans l’industrie, le commerce, la restauration et les services).

    De faire une analyse critique des données mobilisées (statistiques publiques, données professionnelles des filières), des traitements et de la pertinence de cette notion de partage de la valeur ajoutée ?

  • dans un premier temps de nous présenter les résultats de la principale production annuelle de l’observatoire à savoir « l’euro alimentaire » qui décompose le partage de la valeur ajoutée au sein  de la consommation alimentaire entre les différentes branches de l’économie, de la production à la distribution.

* Le président de la République s’est exprimé le 11 octobre 2017 à Rungis en faveur de leur revalorisation. Voir, à ce sujet (CiViQ, 4 déc. 2017) : Etats Généraux de l'Alimentation : le discours de Macron
 

Présentation de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires par Philippe Boyer.

L’observatoire est issu de la loi de modernisation de l’économie (2010), qui se situait elle-même dans le contexte d’une grande volatilité des prix, d’une importance considérable prise par la grande distribution et d’une prévention agrarienne contre les intermédiaires. C’est une commission administrative consultative qui produit des indicateurs moyens à partir de données statistiques disponibles.

- Il n’est pas chargé de contrôle ni de médiation. C’est un lieu d’échanges et de représentations communes.

- Il s’astreint à l’objectivité et à la neutralité, à partir des données existantes.

- Il n’est pas chargé de missions et ne dispose pas de moyens de production de données.

- Il est placé sous la tutelle des ministères de l’agriculture et de la consommation. Sa présidence est indépendante. Son secrétariat général (deux personnes), chargé de l’animation et de la coordination, est issu de FranceAgriMer. De nombreux organismes sont impliqués dans ses travaux, notamment le service de la statistique et de la prospective du ministère de l’agriculture.

- Il conduit deux types de travaux, microéconomiques par filière (sectoriels) et principalement macroéconomiques (économie nationale), notamment la répartition de la dépense alimentaire en fonction du travail et du capital.

La production agricole dans la consommation alimentaire est évaluée à 14,7 % (14,7 euros sur 100 euros), les autres parts étant attribuées aux importations (10,9), aux taxes (9,5) et aux valeurs créées en aval de l’agriculture (65,0).

L’agriculture, la pêche et l’aquaculture, selon les années, font 25 à 30 % de la consommation alimentaire. En 2013, année paradoxale (prix élevés des produits végétaux), les valeurs ajoutées étaient faites par l’agriculture (6,2 %), les industries agro-alimentaires (11,7), les autres industries (3,2), la restauration (13,9), les services (14,3), les commerces (15,4) et les taxes (9,5). Les importations font 25,8 % (dont 10,9 pour les importations finales et 14,9 pour les importations intermédiaires).

Entre 1999 et 2013, tout a augmenté sauf l’agriculture. La valeur ajoutée est répartie vers les salaires (37,6 €) et le profit brut (excédent brut d’exploitation, 27,2 €).

Un accroissement de 10 % du prix des produits agricoles a pour conséquence (sans substitution de produits à la consommation) une augmentation de 2,5 % du prix des aliments consommés, ce qui représente un accroissement de 0,5 % sur le budget des ménages.
 

Dans le débat qui suit l’exposé de Philippe Boyer, des membres de la Confédération paysanne sont intervenus. Voir (AGRISALON, 5 déc. 2017) : La Confédération paysanne sceptique sur la stratégie de « filières »
 

Voir aussi le rapport 2017 de l’observatoire : Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires
 

Cet article est le 404ème paru sur le blog CiViQ - le 129ème en catégorie Agriculture Alimentation

Philippe Boyer, le 5 décembre 2017, lors de la réunion MARS

Philippe Boyer, le 5 décembre 2017, lors de la réunion MARS

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article