Ou sont les causes de la surprenante pénurie de beurre cet automne

Publié le par Michel Sorin

 

 

Les centrales d’achat de produits alimentaires veulent rester les maîtres !

 

- A la fin de l’été 2017, ce sont les boulangeries pâtisseries qui ont signalé la très forte augmentation du prix du beurre. Voir (Le Point, 6 septembre 2017) : Une "pénurie" de beurre fait flamber le prix des viennoiseries

- Puis c’est avec surprise que les consommateurs ont découvert l’absence de beurre dans les rayons des grandes surfaces de distribution. Voir (Le Courrier international, 25 octobre 2017) : Le beurre, l'argent du beurre et la pénurie

- Ensuite, la responsabilité de la grande distribution a été mise en évidence. Voir (Novethic, 10 novembre 2017) : Comment la grande distribution a créé une pénurie de beurre

 

Le site Manger Citoyen (Sabrina Charvet, 12 novembre 2017) a résumé le problème ainsi :

Les rayons se vident de beurre et les consommateurs paniquent. Une situation plutôt complexe qui mérite quelques explications.

1.     Il y a une augmentation de la demande de beurre au niveau mondial.

Longtemps critiqué dans les pays occidentaux, les nutritionnistes ont réhabilité le beurre et ses qualités (vitamine A, anti oxydants) en relançant ainsi la consommation.

2.     Il y a une baisse de la production de beurre pour 2 raisons majeures.

D’une part, la crise de surproduction du lait en 2015 avait incité les producteurs à ralentir voire stopper leur production. Les conditions climatiques en 2016 et 2017 ont été difficiles (sécheresse) entraînant encore une baisse de la production de lait.

D’autre part, le lait est entièrement utilisé pour les yaourts, fromages et autres produits laitiers. En revanche, pour le beurre, on n’utilise que la crème. Reste le lait écrémé à transformer en poudre qui a peu de valeur. Nombre d’industriels préfèrent ainsi des produits plus rentables à fabriquer et vendre.

3.     Hausse de la demande, raréfaction de l’offre, les prix explosent.

Sur le marché mondial, une tonne de beurre valait 2500€ en avril 2016, elle en vaut 7000 aujourd’hui. Entre août 2016 et août 2017, le prix du beurre en France n’a augmenté que de 6% ; en Allemagne, 72%. En effet, en France, c’est le bras de fer entre distributeurs et fournisseurs. La fixation du tarif consenti aux producteurs par les centrales d’achat est établie de façon annuelle. Les enseignes ne veulent pas renégocier. Les fournisseurs refusent de vendre et se tournent vers les marchés plus rentables de l’export.

4.     Enfin, le comportement des consommateurs eux mêmes alimente la pénurie.

Par peur de manquer, ils font des achats de précaution qui accélèrent les ruptures de stock. Un vrai cas d’école sur la problématique des prix alimentaires au vu de la chaîne des acteurs et des logiques d’intérêt.

 

Pour sa part, dans le bulletin de AGIRAGRI (A VRAI LIRE, n° 10, novembre-décembre 2017, TELECHARGEZ ICI ), Lucien Bourgeois - membre de l’Académie d’Agriculture, ancien responsable du service économique des Chambres d’agriculture en France - en a fait le commentaire pertinent suivant.

 

Beurre : un cas d’école sur les dysfonctionnements des circuits

 

Comme nous le disions dans notre précédent numéro d’A Vrai Lire (voir A Vrai Lire N°9), la brusque augmentation du prix du beurre peut s’expliquer sur les marchés mondiaux. Mais il est plus compliqué d’expliquer pourquoi les consommateurs ne trouvent plus ce produit dans les rayons des supermarchés. Comment ces grandes chaînes de distribution, qui sont les chantres de la société de consommation en sont-elles arrivées là ?

 

Au fur et à mesure de l’agrandissement des hypermarchés, on souffre bien d’un excès de choix obligeant à allonger le circuit des caddies et à faire perdre du temps. Les rayons vides ne sont pas une nouvelle technique de marketing destinée à créer la frustration face au besoin insatisfait. Les spécialistes savent, en effet, que cette stratégie se retourne toujours contre celui qui organise la pénurie.

C’est grâce à l’embargo américain sur le soja en 1973 que la Communauté européenne s’est dotée d’un plan protéine qui a relancé les cultures d’oléagineux. C’est grâce à l’ineptie de l’embargo contre la Russie que l’Union européenne a réussi la double peine de perdre un client important tout en permettant à ce pays de redevenir un concurrent redoutable ! Grâce à cette stratégie, les GMS vont redonner à nos concitoyens l’habitude de retourner chez l’épicier du quartier pour s’approvisionner en produits frais.

 

Si les rayons de beurre sont vides, ce n’est pas non plus parce que les usines ne fourniraient plus, ni parce que les producteurs ne voudraient plus vendre leur lait. Tout au contraire, ces derniers viennent de subir de longs mois de bas prix et attendent avec impatience un vrai redressement des prix du lait. Si les rayons sont vides, c’est que les prix ont doublé sur le marché mondial et que les centrales d’achat des GMS ne veulent pas répercuter aux consommateurs cette hausse.

 

Dans ce genre de situation, certains pays ont adopté des politiques très radicales quand il s’agissait de produits susceptibles de provoquer des soulèvements populaires. La Russie, la Thaïlande et l’Argentine ont interdit ou taxé les exportations. De nombreux pays ont été obligés de subventionner la consommation de pain, comme l’Egypte ou l’Algérie.

 

Dans le cas actuel, c’est juste une manifestation de mauvaise humeur des GMS qui n’acceptent pas - une fois n’est pas coutume - que le rapport de force ne leur soit pas favorable. Cela augure mal de leur volonté de devenir partenaires des interprofessions chères au Président Macron.

 

 

Rappel (CiViQ, 4 décembre 2017) : Etats Généraux de l'Alimentation : le discours de Macron (L. Bourgeois)

 

 

Cet article est le 407ème paru sur le blog CiViQ - le 132ème en catégorie Agriculture Alimentation

Lucien Bourgeois le 7 novembre 2011 lors d'un colloque de la Fondation Res Publica sur le thème de l'agriculture

Lucien Bourgeois le 7 novembre 2011 lors d'un colloque de la Fondation Res Publica sur le thème de l'agriculture

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