Agriculture : des rendez-vous manqués, selon la gauche paysanne
Quelques jours avant l’ouverture du Salon de l’agriculture, Stéphane Le Foll et François Hollande s’étaient exprimés longuement dans les deux entretiens rapportés ci-après.
« Je suis sur la même ligne que Montebourg », affirme Stéphane Le Foll
François Hollande. « Investir dans une agriculture compétitive et durable »
La visite du président de la République au Salon, le 22 février 2014, s’est déroulée sans anicroches. Voir Salon de l'agriculture : le chef de l'Etat et les ministres, bien accueillis
Le salon de l’agriculture va s’ouvrir avec sa foule de visiteurs. Mais combien savent que cette vitrine de l’agriculture s’inscrit sur un fond de réformes importantes ? Ce sont pourtant notre alimentation, nos emplois, la vitalité de nos communes, nos paysages, nos eaux et nos sols, qui sont en jeu. Et les nouvelles ne sont pas bonnes. Face à une agriculture productiviste de plus en plus décriée, le gouvernement vient de manquer deux rendez-vous pour enclencher une évolution écologique et sociale de l’agriculture : l’application en France de la nouvelle Politique agricole commune (Pac) et de la loi d’avenir de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt.
Commençons par la Pac. Dix milliards d’euros d’aides sont versés chaque année aux agriculteurs français, sous forme de primes par hectare et quels que soient leurs revenus : en 2012, quand les éleveurs d’ovins et de bovins atteignaient à peine 15 000 € de revenus, les céréaliers culminaient à plus de 70 000 €, dont une bonne partie d’aides. Celles-ci favorisent les agricultures les moins vertueuses du point de vue environnemental et social et n’ont plus aucune forme de légitimité.
La réforme a pu faire naître l’espoir d’une légère inflexion. Quelques aménagements ont été proposés par la Commission européenne, comme conditionner 30 % des aides à des pratiques bénéfiques à l’environnement : les « paiements verts ». Mais ils ont été mis à mal par le Parlement européen et, surtout, par les Etats-membres. Même le plafonnement des aides à 300 000 €, qui n’aurait concerné qu’une infirme partie d’immenses fermes, a été rejeté. Tout a été renvoyé au bon vouloir des Etats-membres.
Et qu’a choisi la France ? Sur pression du syndicat majoritaire, la FNSEA, et des « perdants » potentiels (les céréaliers), le gouvernement a effacé les espoirs de réel changement. La redistribution des aides en faveur des petites et moyennes fermes sera bien plus faible que prévu. Les petites fermes et celles qui ont choisi de se diversifier en resteront exclues. La plupart des agriculteurs pourront prétendre aux paiements verts sans rien changer…
La loi d’avenir avait, quant à elle, pour ambition affichée la « double performance » économique et écologique. Mais, là aussi, les mesures prévues restent très limitées, que ce soit pour éviter l’accaparement du foncier, restreindre l’usage des pesticides ou renouveler les générations et répondre à la perte de 20 000 emplois chaque année. Ainsi, les chambres d’agriculture, qui interviennent très activement dans la formation ou le conseil, resteront dirigées par le syndicalisme agricole, excluant les autres composantes de la société. Les Safer, chargées d’intervenir dans le contrôle du foncier, resteront des sociétés anonymes contrôlées très souvent par la FNSEA locale. Des industriels pourront continuer de prendre le contrôle de milliers d’hectares et implanter des fermes usines comme celle des mille vaches, dans la Somme.
D’importants outils de l’intervention publique ont été laissés aux mains des franges les plus conservatrices de l’agriculture française. Pour une réelle transition écologique et sociale, une réforme ambitieuse est nécessaire. Il n’est pas trop tard… mais le temps presse !
Cet article est le 35ème paru sur ce blog et le 10ème dans la catégorie Agriculture Alimentation