Crise laitière : les réflexions du CEDAPA pour faire bouger les lignes

Publié le par Michel Sorin

 

Baisser les coûts par le pâturage et mieux valoriser le lait par une filière qualité

 

 

Depuis la libéralisation de la production laitière - par la suppression des quotas en avril 2015 sans les remplacer par un autre dispositif de régulation - les éleveurs ont vu le prix du lait baisser au point que la majorité de ceux qui livrent aux transformateurs sont payés autour de 260 euros les 1000 litres en 2016, alors que les coûts de production se situent entre 330 et 350 euros, en comptant une rémunération légèrement supérieure au SMIC par travailleur.

En plein été, la décision du principal acheteur de lait (Lactalis, 20 % de la production française) de baisser le prix à un niveau nettement inférieur à celui de ses concurrents a provoqué des actions syndicales (FNSEA-JA) qui ont abouti à l'alignement de cet industriel sur les prix payés par la majorité des autres acheteurs.

Voir (blog CiViQ - 4 sept. 2016) : Crises en agriculture : récoltes en chute, prix du lait excessivement bas et (blog MRC 53 - 5 sept. 2016) : Crise agricole : première confrontation Fnsea-Lactalis sur le prix du lait

 

Le Cédapa (Centre d'études pour un développement agricole plus autonome), créé par André Pochon (voir aussi, Ouest-France, 20 avril 2016) : André Pochon, l'empêcheur de tourner en rond), a fait des propositions - par l'intermédiaire de son président, Patrick Thomas - pour aider les éleveurs laitiers à mieux faire face aux prix bas actuels. Voici le contenu de l'article publié par le quotidien Ouest-France le 23 août 2016 sous le titre

Crise laitière : faire bouger les lignes !

« Les perspectives du marché sont très bonnes », clamaient haut et fort début 2015 les économistes de la filière laitière ; ceux-là mêmes qui, comme le disait si bien le regretté Bernard Maris, « toute leur vie, expliquent magnifiquement le lendemain pourquoi ils se sont trompés la veille ».

Il est clair que ce genre d'incitation à surproduire entraîne les producteurs de la planète entière dans la spirale d'un abîme sans fond. Alors doit-on se résigner à regarder nos collègues disparaître en attendant notre tour ?

Si nous n'avons évidemment pas de prise sur l'évolution des marchés mondiaux, certains leviers peuvent être rapidement actionnés afin de nous aider à passer plus facilement cette période délicate.

Le premier concerne les coûts de production. Dans ce contexte de prix bas, les élevages les plus performants économiquement sont ceux qui maximisent le pâturage, avec un minimum d'intrants et des coûts de mécanisation au plus bas, comme l'attestent le Cedapa et le Réseau Agriculture Durable avec notamment le concours de l'INRA. À l'échelle de la planète laitière, les pays qui s'en sortent le mieux sont la Nouvelle-Zélande et l'Irlande : des pays où le pâturage est roi. Quand nos voisins irlandais gardent la tête hors de l'eau avec un prix du lait à 250 euros les mille litres, nos centres comptables évaluent le coût de production moyen du lait breton aux alentours de 350 euros les mille litres !

Évoluer vers plus de qualité

Le second levier concerne la valorisation de notre lait. L'essentiel de la production actuelle est écoulé sur des marchés très concurrentiels, pour lesquels nous sommes mal armés. Il est indispensable de rechercher des alternatives. La création d'une filière de lait herbager sans OGM (Organismes génétiquement modifiés) en est une.

Sur le plan de la santé, le lait produit à base d'herbe présente un profil nutritionnel en acides gras très recherché. Une large majorité de Français souhaitent consommer sans OGM. Alors que chez nos voisins allemands, le lait garanti sans OGM est devenu incontournable, il n'en existe toujours pas en France…

De plus, selon une récente étude du Credoc (Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie), la part des aliments dans le budget des ménages augmente depuis deux ans après des années de dégringolade. Cela traduit bien une évolution vers une recherche de produits de qualité. Voilà bien une opportunité qui n'a, semble-t-il, pas encore traversé l'esprit des industriels.

Enfin, nos exploitations herbagères sont unanimement reconnues pour leur haute qualité environnementale, en particulier pour la protection de la ressource en eau, le maintien de la biodiversité et le stockage du carbone.

La création d'une telle filière, avec un prix du lait davantage rémunérateur pour le producteur, répond à ce double objectif : satisfaire les demandes des consommateurs et des citoyens, et par là même redonner du sens à l'acte de production, à notre métier ; mais aussi des perspectives, de la lisibilité aux producteurs qui sont prêts à s'engager, mais qui ont grand besoin de voir loin. Sa mise en œuvre est loin d'être insurmontable : elle dépend de la volonté des acteurs de terrain qui, bien que tous conscients de la gravité de la situation, hésitent paradoxalement à faire évoluer la filière.

À nous tous, aujourd'hui, de faire preuve de volonté et d'intelligence collective. Bref, osons faire bouger les lignes !

Cet article est le 361ème paru sur le blog CiViQ - le 109ème catégorie Agriculture Alimentation

En Haute Savoie

En Haute Savoie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article