Commentaires de la note de conjoncture de l'Insee - décembre 2016

Publié le par Michel Sorin

 

Croissance française très faible en 2016 et beaucoup d’incertitudes

 

L'Insee a présenté à la presse le 15 décembre 2016 sa nouvelle note de conjoncture. Elle fournit un bilan provisoire de l'année 2016 et des premières prévisions pour le premier semestre 2017. Voir

La croissance à l'épreuve des incertitudes

Elle inclut deux dossiers, l'un sur le secteur aéronautique et l’autre sur les pertes de parts de marché à l'exportation. Celles-ci sont spectaculaires.

Les exportations françaises de produits manufacturés sont passées de 5,1% du commerce mondial en 2004 à 3,1% en 2015, avec un net décrochage entre 2004 et 2010 et une moindre dégradation ces dernières années. Ces pertes sont pour moitié imputables à l'essor des économies émergentes, dont la Chine, et à la hausse du taux de change effectif de l'euro. Mais les autres pays « avancés » ont pour la plupart mieux réagi.

La faiblesse des exportations françaises est aussi due à une orientation géographique défavorable de son commerce, vers des régions peu dynamiques, et plus encore à de mauvaises performances sur les différents marchés. La légère amélioration récente et espérée pour les prochains trimestres aurait pour causes principales un regain de la « compétitivité-coût » et la dépréciation de l'euro.

Cette note apporte aussi des éclairages intéressants, notamment sur les conséquences à court terme du référendum sur le Brexit, le repli de l’industrie minière aux Etats-Unis, l’impact des mauvaises récoltes sur la croissance, les différences d'évolution des prix en France et chez ses voisins, les pertes de part de marché du groupe Volkswagen.
 

Résumé et commentaires de Alain Gély

Le titre « la croissance à l'épreuve des incertitudes » et les principaux développements qui justifient ce titre appellent un premier ensemble de commentaires :

  • Les incertitudes sont réelles, de nature politique (suites du Brexit et de l'élection de D. Trump, et vicissitudes politiques en Europe, notamment en Italie, France et éventuellement Allemagne...) sans parler des menaces qui planent de manière endémique sur le monde de la finance avec des ravages potentiels sur « l'économie réelle »; l'hypothèse de stabilité des prix du pétrole semble raisonnablement fondée mais elle est évidemment aléatoire ; or, on sait que les prix du pétrole influencent fortement la conjoncture, via la consommation des ménages et les marges des entreprises ; le comportement d'épargne (ou plutôt de désépargne) des ménages européens est une autre source d'interrogations pour l'avenir immédiat ;

  • La croissance est beaucoup moins réelle : aux alentours de 1,5%. Finalement, 1,2% seulement en 2016 ; c'est décevant si l'on considère les facteurs favorables qui auraient pu susciter un dynamisme beaucoup plus affirmé. On ne peut guère parler de croissance ni de reprise. Pourtant, l'investissement des ménages en logement semble sortir enfin de sa descente aux enfers mais l'investissement des entreprises reste très « prudent » et hésitant, en dépit des gros efforts consentis par le gouvernement pour le stimuler. En effet, les débouchés intérieurs, malgré une certaine résistance de la consommation des ménages, restent limités et les exportations demeurent peu dynamiques, au moins pour le moment.

 

Tout n'est quand même pas désespérant : l'Insee prévoit une croissance assez solide en Allemagne et en Espagne, qui contribuerait à une bonne orientation de la demande mondiale adressée à la France. Ce contexte permettrait d'annuler ou au moins de limiter en 2017 la contribution négative du commerce extérieur, très pénalisante encore en 2016. Ceci - ajouté au niveau de l'euro et aux taux d'intérêt qui resteraient faibles en Europe - permettrait d'envisager une croissance au rythme trimestriel voisin de 0,4 à la fin de 2016 et au début de 2017, à l'instar de la zone euro. A condition bien sûr que les prix du pétrole restent sages et en l'absence d'accident majeur sur le monde de l'économie et de la finance... Des créations d'emplois seraient possibles à un rythme de 40.000 par trimestre environ, autorisant une légère décrue du chômage (9,8 %, dont 9,5 en métropole, en juin 2017).

 

La hausse des prix reprendrait mais modérément, rejoignant l'inflation sous-jacente (glissement annuel envisagé d'un point en juin 2017). Mais les salaires étant plutôt liés à l'inflation passée, quasi nulle officiellement, le pouvoir d'achat n'augmenterait qu'en raison des créations d'emplois, plutôt modestes même si elles s'améliorent un peu. Ceci explique la morosité de de la consommation et, en conséquence, de l'investissement en dépit de la hausse du taux de marge et des conditions de financement très favorables.

 

Une des raisons de la déception 2016 est la très mauvaise année agricole. Un simple retour à la normale permettrait de gagner 0,4 point de PIB en évolution 2017 par rapport à celle de 2016 (voir éclairage page 69).

 

Le principal sujet de satisfaction est la reprise de l'investissement en logement, qui semble robuste à un rythme voisin de 2% l'an. Ce rattrapage, qui n'est quand même que très partiel, survient après plusieurs années sinistres et ne suffit pas pour parler de reprise de l'ensemble de l'économie. Le « bâtiment va » (mieux) mais, en dépit de l'adage de Martin Nadaud, on ne voit guère ce qui permettrait de proclamer que « tout va » mieux...

 

En réponse à des questions des journalistes, l'Insee a fourni deux informations de nature assez différente :

- On évalue la production agricole au moment où elle se développe (où « elle pousse ») et non au moment des livraisons. Ceci explique que la très mauvaise année 2016 ait été évaluée au moment où les prévisions s'affinaient, avant les récoltes. Les exportations de de l'année 2017 devraient en être affectées mais pas la production. Au contraire, une simple remise à niveau de la production se traduirait par une croissance importante par rapport à 2016.

- Il n'y a pas d'effet visible des élections en France sur le « climat des affaires » (l'opinion des chefs d'entreprise sur la conjoncture). En revanche, le moral des ménages s'améliore significativement dans les mois qui précèdent les élections. Et au lendemain de celles-ci, mais pas longtemps...

 

Cet article est le 372ème paru sur le blog CiViQ - le 53ème, catégorie France

Publié dans France

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article