En France, l'agriculture ne rémunère pas correctement ses paysans

Publié le par Michel Sorin

 

Les produits agricoles comptent peu dans les dépenses alimentaires

 

Au chevet de l’agriculture. Après l’article publié le 22 septembre (voir En souffrance, l'agriculture française produit plus pour gagner moins), voici des informations précisant la nature du mal profond qui ronge le moral des paysans. Voir, sur le site du ministère de l’agriculture (19 juin 2018) : Présentation du rapport 2018 de l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires

Rappel :

- l’exposé du directeur de cet Observatoire - voir (7 décembre 2017) L'association MARS pour des prix agricoles durablement plus élevés

- la publication des prix de revient du lait par l’organisation européenne d’éleveurs laitiers EMB (European Milk Board) - 9 mars 2018 : EMB la réalité des prix de revient du lait

- (MRC, 12 mars 2018) : Michel Sorin fait le point sur l'agriculture

 

Le quotidien régional Ouest-France a publié, le 20 juin 2018, un article de Nicole Ouvrard, directrice des rédactions de Réussir et Agrapresse, qui résume bien les travaux de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires.

L’agriculture travaille officiellement à perte

Les chiffres sont têtus, surtout lorsqu’ils sortent de l’Observatoire de formation des prix et marges. La plupart des productions ne payent pas les paysans.

Un exemple criant : « Depuis que l’observatoire existe, jamais les prix de vente n’ont couvert les coûts de production en élevage spécialisé de bovins viande ». C’est le constat amer qu’a fait Philippe Chalmin, président de l’Observatoire de formation des prix et des marges, qui a présenté, hier, son rapport annuel*. Et cela fait huit ans que l’observatoire existe. Ainsi, pour 2017, l’observatoire a calculé des recettes de 231 € pour 100 kg de bovin vif (y compris subventions) alors que les coûts de production sont évalués à 249 €.

Qu’en est-il pour les autres productions ? Guère mieux. « On ne couvre pas la réalité des coûts de production », notamment en bovin lait, ovin et blé tendre, même si la rémunération s’est améliorée en 2017 par rapport à l’année précédente.

En exploitation laitière spécialisée en plaine (cas dans l’Ouest), les recettes ramenées à 1000 litres de lait sont de 450 € (vente du lait, des veaux, des vaches de réforme et aides). C’est mieux qu’en 2016, où ces recettes n’étaient que de 412 €. Mais c’est en-dessous des coûts de production, à 458 € en 2017 et 456 € en 2016. Précisons que ceux-ci incluent une rémunération de l’éleveur à l’équivalent de deux fois le smic brut, qui n’est pas toujours versée.

Pour 100 € d’alimentation, 6,5 pour les paysans

Dans le blé tendre, le même calcul permet d’observer un profit net de 20 à 38 € la tonne en 2010, 2011 et 2012, puis une dégringolade pour arriver à une perte nette de 7 € la tonne l’an dernier et le désastre de 2016 (60 € de perte la tonne) due à la météo.

Seule une filière réalise des marges nettes positives en 2017 : la filière porcine, « en dépit de périodes où le prix du porc n’a pas été suffisant »,temporise l’économiste. Sur l’année 2017, le coût de production moyen a été de 1,40 € pour un prix de vente de 1,55 €.

Philippe Chalmin s’est félicité que le travail de l’observatoire ait permis d’éclairer le débat sur le juste équilibre de la répartition de la valeur entre agriculteurs, industriels et distributeurs, tel qu’il est posé dans le projet de loi Agriculture et alimentation, en débat au Sénat à partir du 26 juin. La loi vise notamment à inverser la construction des prix des produits agricoles en partant des coûts de production plutôt qu’en partant des prix à la consommation.

Le travail de l’observatoire rappelle que l’agriculture ne pèse plus grand-chose dans le prix final d’un produit alimentaire. Ainsi pour 100 € de dépenses alimentaires, la valeur ajoutée induite dans l’agriculture n’est que de 6,50 €, contre 11,90 € pour les industries agroalimentaires, 15,40 € pour le commerce et même 14,40:€ pour les services. Sans compter les importations qui pèsent 25,10 €. Finalement, « on mange de moins en moins de produits agricoles et deplus en plus de services », constate Philippe Chalmin.

Cet article est le 441ème paru sur le blog CiViQ - le 156ème en catégorie Agriculture Alimentation

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