Alternatives économiques : quelques raisons d'espérer, mais pas trop...

Publié le par Michel Sorin

L’Europe reste dominée par l’idéologie néolibérale, qui aggrave la crise

 

Le mensuel Alternatives économiques de janvier 2015 a titré son dossier « 2015 : des raisons d’espérer ? ». En voici les grands titres et l’introduction au dossier.

Contre-choc pétrolier, euro en baisse, politique monétaire audacieuse : nombre de facteurs favorables à l'activité sont réunis dans la zone euro. Serait-ce enfin le bout du tunnel ? Pas sûr. Depuis 2008, l'activité a toujours été en retrait par rapport aux attentes. 2015 pourrait à nouveau décevoir. Le mois dernier, la Banque centrale européenne (BCE) a revu ses prévisions à la baisse : elle n'attend plus que 1 % de croissance dans la zone euro en 2015, contre encore 1,6 % en septembre dernier. Certes, l'économie européenne ne détruit plus d'emplois et le chômage recule légèrement : il était à 11,6 % en octobre dernier dans la zone euro, contre 12 % un an auparavant. Mais, à ce rythme, il faudra des années pour revenir au niveau d'avant-crise. Entre-temps, des millions de chômeurs auront perdu leurs qualifications. "L'Europe est piégée dans un équilibre de sous-emploi", analyse Michel Aglietta. Autrement dit : une demande anémiée érode peu à peu son potentiel de production. Les causes de ce marasme sont connues : en voulant réduire trop rapidement - et surtout tous en même temps - les déficits publics, les gouvernements de la zone euro ont cassé la reprise. Une situation aggravée par les politiques de "dévaluation interne" (*).

Un risque réel de déflation

Tous les signes attestent en effet d'un déficit de demande massif dans la zone euro : les capacités de production sont sous-utilisées, le solde extérieur de la zone affiche un excédent record et, surtout, l'inflation ralentit mois après mois depuis plus de deux ans. En novembre, les prix ont même reculé en France par rapport à l'année précédente ! Certes, ce recul tient en partie à la baisse du prix du pétrole, favorable au redressement du pouvoir d'achat des ménages et des marges des entreprises. Mais le risque, si cette tendance se poursuit, est que la baisse des prix soit intériorisée dans les anticipations des agents économiques.

Pour le moment, l'inflation anticipée reste positive, mais "les anticipations commencent à décrocher", avertit Xavier Timbeau, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE. Or, si les agents économiques se mettent à anticiper une baisse des prix, le cercle vicieux de la déflation s'enclenche : les ménages reportent leurs achats, les entreprises renoncent à investir, par manque de débouchés et parce que les taux d'intérêt réels augmentent. L'emploi et les salaires diminuent à leur tour. Mais, surtout, le poids des dettes publiques et privées accumulées s'alourdit mécaniquement par rapport à des revenus en baisse. Pour y faire face, il faut encore se serrer la ceinture. L'économie entre alors dans un processus autodestructeur. Une situation que le Japon connaît depuis les années 1990 et dont il peine encore aujourd'hui à sortir.

La bonne nouvelle, c'est que ce scénario est pris au sérieux par Mario Draghi, le patron de la BCE. Mais la Banque centrale européenne ne peut pas tout. Elle aura beau inonder de liquidités le système financier, cela sera sans effet si les agents privés ne veulent plus s'endetter. Dans une telle situation, seule la dépense publique peut faire redémarrer le moteur. Mario Draghi ne dit pas autre chose quand il encourage la politique budgétaire "à jouer un plus grand rôle".

La mauvaise nouvelle, c'est qu'à Bruxelles et dans les capitales européennes, les esprits évoluent lentement - trop lentement, même si la Commission semble prendre conscience qu'une application à la lettre des règles budgétaires européennes a un effet suicidaire. L'orientation générale des politiques budgétaires a cessé d'être restrictive en 2014 et elle devrait rester neutre en 2015. Quant au plan Juncker, il témoigne d'une volonté de relancer l'investissement, mais il n'y met pas les moyens nécessaires. La stratégie économique européenne reste dominée par le mantra des réformes structurelles, sans prendre en considération le risque que les mesures de libéralisation des marchés préconisées n'accentuent les pressions déflationnistes.

Faudra-t-il, une fois de plus, que les Européens soient au bord du gouffre pour s'affranchir de leurs habitudes ? La baisse du pétrole et de l'euro pourrait les inciter à croire que l'économie européenne est sortie d'affaire. Ce serait une grave erreur.

* Dévaluation interne : consiste à faire baisser les coûts salariaux du pays (par une baisse des salaires ou une baisse des charges financée par exemple par une augmentation de TVA) pour rétablir la compétitivité de la production nationale.

A quelque chose malheur est bon : le différentiel de croissance entre l'Europe et les Etats-Unis conduit à des orientations divergentes des politiques monétaires de part et d'autre de l'Atlantique. Alors que la Fed, la banque centrale américaine, prépare les marchés à une remontée des taux d'intérêt, la BCE les fait au contraire baisser. Or, le différentiel de taux d'intérêt est le principal déterminant des variations de change : c'est pourquoi l'euro a déjà baissé de 10 % environ par rapport au dollar depuis avril 2014. ...

Le baril de pétrole est tombé aux alentours de 60 dollars en décembre dernier : il a ainsi perdu 44 % de sa valeur depuis juin. Et quasiment personne ne s'attend actuellement à une remontée des cours avant la mi-2015 : le département américain de l'Energie prévoit que le baril de Brent coûtera en moyenne 68 dollars en 2015, contre 112 en juin 2014. La baisse s'explique d'abord par le net ralentissement de la croissance des pays émergents, et en particulier de la Chine, devenue en 2014 le premier importateur mondial de pétrole. ...

Surnommé "Super Mario" depuis qu'il a endigué la crise des dettes publiques à l'été 2012, Mario Draghi, le patron de la BCE, est à la manoeuvre pour sauver la zone euro de la déflation. Car depuis deux ans déjà, l'inflation est passée sous la cible des 2 % visée par la Banque centrale. En novembre 2014, elle n'atteignait plus que 0,3 % par rapport au même mois de l'année précédente. ...

L'Europe serait-elle enfin prête à abandonner sa foi aveugle dans les vertus de la saignée du bon docteur Diafoirius ? Quelques signes l'indiquent, mais ce tournant risque fort d'être insuffisant. ...

Voir aussi sur le blog CiViQ (5 nov. 2014, J Sapir) :La crise de l'économie française en 2014

Cet article est le 251ème paru sur le blog CiViQ et le 18ème, catégorie Economie Emploi

Publié dans Economie Emploi

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article