Christian Hascoët (APLI), éleveur laitier breton, craint le pire pour 2016

Publié le par Michel Sorin

 

L'idéologie néolibérale de la Commission européenne mène à la catastrophe

 

Les producteurs de lait sont soumis à une tentative d'étouffement par le commissaire européen à l'agriculture, le très libéral Phil Hogan, en raison d'une situation de surproduction au niveau européen, non corrigée par des mesures de régulation de la production, le commissaire les refusant pour des motifs idéologiques, le libéralisme économique étant son credo.

Voir (blog CiViQ, 11 décembre 2015) : Les producteurs de lait européens confrontés à des prix très insuffisants

L'association des producteurs de lait indépendants (APLI) et l'organisation européenne à laquelle elle adhère, European Milk Board: EMB, sont vent debout contre ce libéralisme européen. Voir Les actualités des actions européennes de EMB :

Depuis quelques jours, le président de la Commission européenne Jean Claude Juncker reçoit des colis un peu particuliers. En guise de protestation contre la politique laitière destructive de la Commission européenne, les producteurs et productrices de lait des quatre coins de l’Europe ont commencé à envoyer des briques de lait frais au bureau du président. Ils lui reprochent notamment de ne pas avoir réagi à la lettre ouverte de l’European Milk Board (EMB), dans laquelle l’organisation avait exigé que le Commissaire à l’agriculture Phil Hogan soit démis de ses fonctions. Juncker reste donc les bras croisés devant l’affaiblissement dangereux, voire même l’effondrement d’un pilier important de l’agriculture européenne : les producteurs laitiers. Les excédents chroniques, cause du bas niveau continu des prix du lait, privent les éleveurs laitiers de leurs moyens de subsistance.Malgré tout, Hogan et Juncker refusent de mettre en place un instrument de gestion de crise* pour le marché laitier qui ne requiert même pas de subventions. Ils ferment ainsi les yeux devant les effets négatifs que cette politique ignorante a sur l’emploi et le développement - en d’autres termes, sur la stabilité au sein et en dehors du secteur agricole. 

* Voir le Programme de responsabilisation face au marché

Le porte-parole de l'APLI dans le Finistère, Christian Hascoët, exprime son inquiétude dans un article du quotidien breton Le Télégramme (édition Quimper, Ronan Larvor, 26 décembre 2015).

Les signaux se multiplient dans les campagnes. Le feu couve alors que la situation se dégrade sans cesse. Christian Hascoët, agriculteur à Guengat, porte-parole de l’Association des producteurs de lait indépendants (Apli), craint le pire pour les mois à venir.

 

C’est comme si les manifestations sporadiques des agriculteurs faisaient partie du paysage au point qu’elles passent inaperçues. Pourtant, il serait dangereux d’ignorer les alertes du monde agricole pris à la gorge. Christian Hascoët rappelle les enjeux de la crise actuelle. « Je comprends totalement les éleveurs qui ont manifesté calmement samedi dernier à Quimper, dit-il. Je crois que l’élevage vit la pire crise jamais connue, notamment en lait. Pour l’instant, il y a peu de réactions. La misère se cache à la campagne mais le désarroi est profond, l’écœurement total. Beaucoup en sont réduits à emprunter pour avoir un revenu. Bientôt il faudra payer pour travailler. Le feu couve ».

 

« Le pire est à venir ? »

« Je ne suis pas surpris. Depuis des mois nous disons, à l’Apli, que la suppression de toute régulation va aboutir à un effondrement des prix. C’est le cas. Moins d’un an après la suppression des quotas laitiers, fin mars, c’est le désastre et le pire est peut-être à venir. Sur l’année civile 2014, nous avons été payés 365 euros les 1.000 litres de lait. En 2015, ce prix sera 300 euros. Pour 2016, il faut craindre 280 euros. Alors qu’il en faudrait au moins 350 pour avoir un peu d’espoir ».

 

« Irresponsables »

« Alors on peut toujours aller manifester, mais avec quel projet ? ». « En fait, il y a une surproduction. 5 % en trop en Europe conduit à une baisse de 30 % du prix. La contractualisation mise en place par nos irresponsables professionnels a permis de privatiser les bénéfices en 2014 et aujourd’hui de socialiser les pertes avec l’argent du contribuable ». « Il y a un décalage énorme entre ces responsables nationaux du syndicat majoritaire (FNSEA) et les producteurs de base. Lors de la manifestation de Paris, le président, Xavier Beulin, a obtenu des aides publiques pour atténuer les conséquences de la situation pas pour s’attaquer aux causes. Ensuite, on nous propose des perfusions ridicules comme le report des charges. Les mêmes sont pour un libéralisme à outrance au niveau européen et disent le contraire au niveau français. Or, il faudrait une Europe de la coopération et non de la compétition ».

 

« Limiter la production »

« La solution, c’est de relever les prix. Ils ont chuté car il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande. Il faut donc intervenir sur le marché, limiter la production au niveau européen. Et cela passe par une volonté des dirigeants professionnels et des politiques ». « Il faut séparer le maillon production de celui de la transformation et adapter la production au marché. Si un industriel était lui-même producteur de lait, depuis longtemps il y aurait eu une régulation. Là, ils sont à leur affaire avec plus de produits à disposition et des prix plus bas ». « Le bio ? Il y a de plus en plus de conversions qui se font. Mais tout le monde ne pourra pas suivre car il y a un accès aux pâturages indispensable qui sera trop limité. C’est quand même une petite partie de la solution ». « Le déclic ? Ce sera le mouvement des producteurs. Et cette fois ce sera un tsunami ».

 

Cet article est le 333ème paru sur le blog CiViQ et le 91ème, catégorie Agriculture Alimentation

Christian Hascoët, à Bruxelles, le 7 septembre 2015, lors de la manifestation des éleveurs européens, près des bureaux de la Commission européenne, où est le pouvoir en agriculture pour les pays de l'UE.

Christian Hascoët, à Bruxelles, le 7 septembre 2015, lors de la manifestation des éleveurs européens, près des bureaux de la Commission européenne, où est le pouvoir en agriculture pour les pays de l'UE.

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