Contre-performances de l'agriculture française, comparée à l'allemande

Publié le par Michel Sorin

 

Une note du Conseil d'analyse économique fait des recommandations

 

Alors que 2015 s'annonce pire, les revenus des agriculteurs en 2014 étaient en baisse, enregistrant de grandes disparités. Voir (blog CiViQ, 23 décembre 2015) : Revenus agricoles 2014 en France : disparités et tendance à la baisse

 

Dans une note remise au cabinet du Premier ministre, le 9 novembre 2015, trois auteurs ont développé leur diagnostic et leurs recommandations pour l'agriculture française. Ce sont Jean-Christophe Bureau, Lionel Fontagné et Sébastien Jean.

Voir L'agriculture française à l'heure des choix - Conseil d'analyse économique

L’agriculture française affiche des résultats insatisfaisants : un emploi qui diminue, des revenus faibles dans certaines activités, un environnement qui se dégrade de façon patente et une performance commerciale qui s’érode. Dans cette Note du CAE, les trois auteurs pointent les écueils de la politique agricole et recommandent une orientation plus claire, centrée sur la préservation du capital naturel, la recherche, la formation et la qualité sanitaire des produits permettant de réconcilier les objectifs de compétitivité, d’environnement et de revenus.

Recommandation 1 : Faire de la préservation du capital naturel un axe central de la politique agricole ; cibler plus directement la performance environnementale en remplaçant les aides indifférenciées et l’éco-conditionnalité par une rémunération des aménités, qui pourrait être différenciée géographiquement.

Recommandation 2 : Développer les recherches sur les nouvelles techniques de sélection en s’attachant à les mettre au service d’une agriculture en phase avec des régulations biologiques et promouvoir l’innovation ouverte (portails, open data).

Recommandation 3 : Faire du réseau de lycées agricoles publics un pionnier de l’enseignement numérique. Permettre une formation continue plus poussée via des congés individuels de formation et en s’appuyant sur l’enseignement supérieur agricole pour former des managers d’exploitations agricoles de haut niveau.

Recommandation 4 : Aider les acteurs à promouvoir ensemble un petit nombre de labels valorisant des atouts des produits français comme le contrôle sanitaire, la traçabilité intégrale, l’absence d’antibiotiques et de promoteurs de croissance, et le respect de l’environnement ou du bien être animal

Recommandation 5 : Privilégier des critères directement liés aux externalités dans le ciblage des aides et agir pour une réorientation dans ce sens au niveau européen. Ne pas pénaliser a priori l’agrandissement des structures s’il ne génère pas d’externalités négatives (gestion des effluents, gestion de la biodiversité). Favoriser la mise en commun des moyens de production.

Recommandation 6 : Privilégier le lissage fiscal, voire le report d’emprunts et de charges sociales sur plusieurs années comme outil de stabilisation au niveau national. Au niveau communautaire, réduire les incitations à se spécialiser sur un très petit nombre de cultures.

Accéder à la Note du CAE n° 27

 

Focus n°10 : "Comment expliquer les contre-performances de l’agriculture française ? "

Ce Focus complète la Note du CAE n° 27 : « L’agriculture française à l’heure des choix », décembre 2015. Pour y accéder, cliquer ici Focus n° 10

 

Comparaison avec l'Allemagne

 

Sur la période récente, l’Allemagne a accru sa part dans les exportations mondiales de produits agricoles et agroalimentaires. En viande porcine, l'Allemagne avec 4 millions de tonnes équivalent carcasse a vu sa production croître de 30 %  depuis 2000, alors que la France, avec 2 millions de tonnes, a vu sa production diminuer de 5 % sur la même période.

La France est déficitaire vis‐à‐vis de l’Allemagne (le solde français avec l’Espagne s’est davantage dégradé encore).

En lait, tandis que la France n’a pas atteint son quota national de production pour la campagne 2014‐2015 (sous‐réalisation de 3,5 %, sur fond d’une baisse de 4 % de la collecte de lait), l’Allemagne dépassait le sien de 3,7 %. Elle exporte aussi plus de fromage que la France.

En produits transformés, la France est derrière l’Allemagne sur tous les marchés d’export à quelques exceptions près. Les abattoirs allemands transforment désormais les porcs de plusieurs pays voisins avant d’y réexporter la viande, alors que le bas taux d’utilisation des abattoirs français contribue à leurs faibles marges.

Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer ce décalage entre France et Allemagne.

La proximité géographique et logistique avec des marchés de consommation dynamiques en est un.

L’élargissement a mis l’Allemagne au centre de l’Europe, « éloignant » d’autant la Bretagne, et c’est sur les marchés d’Europe centrale que l’écart de position commerciale avec la France s’est creusé. Les exploitations agricoles moyennes sont d’une taille assez similaire en France et en Allemagne. Néanmoins, les grands domaines de l’est de l’Allemagne, récemment modernisés et ayant pris le pli d’une agriculture industrielle, constituent des concurrents de premier ordre. Ces industries ont bénéficié d’investissements massifs dans des nouvelles unités de production après la réunification, et elles sont davantage robotisées qu’en France. Elles procurent en particulier aux laiteries et aux abattoirs de la matière première bon marché.

Alors que les productions les plus intensives en main d’œuvre ont souffert en France depuis dix ans, elles se sont au contraire développées en Allemagne (mais aussi en Espagne et dans les pays d’Europe centrale). Les chiffres sur les écarts de coût du travail ne sont pas tous cohérents mais les écarts mesurés semblent très importants, en particulier pour le travail peu qualifié.

Dans la production de fruits et légumes et l’horticulture, le coût horaire moyen du travail serait une fois et demie plus élevé en France qu’en Allemagne (12,4 et 7,90 euros de l’heure, respectivement, en 2013).

Dans l’abattage et la découpe de viande, les comparaisons sont potentiellement faussées par le recours massif en Allemagne aux « travailleurs détachés », qui ne sont pas comptabilisés dans les chiffres d’emploi. Une fois ce facteur pris en compte, le coût du travail moyen apparaît là encore de l’ordre d’une fois et demie plus élevé en France qu’en Allemagne.

L’application d’un salaire minimum en Allemagne est de nature à faire évoluer cet état de fait, mais l’agriculture bénéficie d’un régime de transition et la réalité de la hausse salariale reste à constater.

Par ailleurs, le régime TVA forfaitaire en Allemagne serait aussi plus favorable aux agriculteurs que le régime français (Rouault, 2010, op. cit.).

L’Allemagne a utilisé les énergies renouvelables pour subventionner ses exploitations agricoles. Ainsi, les agriculteurs allemands recevraient chaque année près de 9 milliards d’euros pour leur production d’énergie renouvelable, biomasse et photovoltaïque. Le fort développement du programme biogaz, grâce à des tarifs de rachat élevés, est tel qu’une partie non négligeable du revenu des agriculteurs provient de cette ressource qui, en outre, réduit considérablement leurs problèmes de trésorerie.

 

Cet article est le 334ème paru sur le blog CiViQ et le 92ème, catégorie Agriculture Alimentation

Elevage mayennais naisseur-engraisseur de porcs

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